Malgré une offensive diplomatique express à Washington, la présidente de la Confédération helvétique, Karin Keller-Sutter, n’a pas réussi à désamorcer la menace d’une taxe de 39 % sur les exportations suisses vers les États-Unis. Cette mesure, aux implications économiques majeures pour l’une des économies les plus ouvertes du monde, pourrait chambouler les équilibres commerciaux bilatéraux entre Berne et Washington. En jeu : un excédent commercial colossal, des flux stratégiques… et une relation transatlantique sous tension.
🇨🇭 Le commerce helvétique dans le viseur
Le déplacement de Karin Keller-Sutter aux États-Unis n’aura pas permis de convaincre l’administration Trump de suspendre ou reporter la mise en œuvre des nouveaux droits de douane de 39 %, qui entrent en vigueur ce jeudi. Malgré un « très bon entretien« avec le secrétaire d’État Marco Rubio, la présidente suisse n’a pu s’entretenir ni avec Donald Trump, ni avec les hauts responsables du commerce. Le signal politique est limpide : les priorités américaines ont changé.
Pour la Suisse, l’enjeu est majeur. En 2024, les exportations suisses vers les États-Unis ont atteint 65 milliards de francs suisses (soit plus de 69 milliards d’euros), représentant un sixième de ses ventes à l’étranger. Ce commerce a permis à Berne de dégager un excédent commercial massif de 38,7 milliards de francs, démontrant l’importance stratégique du marché américain.
Mais cette balance favorable sur les biens contraste avec un déficit de 20,4 milliards de francs dans les services, un déséquilibre structurel qui pourrait fragiliser la position suisse dans de futures négociations. Dans ce contexte, les nouveaux tarifs douaniers apparaissent non seulement comme une arme commerciale, mais aussi comme un levier pour rééquilibrer cette asymétrie transversale.
Nous sommes venus avec l’intention de présenter de nouvelles idées à l’administration américaine pour résoudre cette question des droits de douane, ce que nous avons fait
a déclaré une source proche de la délégation suisse, en soulignant leur volonté de poursuivre les discussions. Mais Washington reste sourd, pour l’instant.
En arrière-plan, le retour de Donald Trump à la Maison Blanche s’accompagne d’une politique économique plus protectionniste, avec un durcissement notable des postures vis-à-vis de ses partenaires, même les plus fidèles. Dans cette logique, la Suisse pourrait être considérée comme une économie bénéficiaire du libre-échange, et donc comme cible facile dans une stratégie de rééquilibrage commercial.
👁️ L’œil de l’expert
Cette nouvelle friction commerciale n’est pas anodine. Elle traduit la vulnérabilité croissante des économies exportatrices face à des cycles politiques protectionnistes, notamment en période post-électorale. La Suisse, pourtant réputée pour sa neutralité et son pragmatisme diplomatique, se heurte ici à un mur stratégique.
Pour l’instant, aucun accord n’a été trouvé, mais les négociations restent ouvertes. L’administration helvétique devra composer avec une refonte possible de ses flux commerciaux, et envisager des diversifications vers d’autres marchés tout en maintenant la pression diplomatique sur Washington.
D’un point de vue macroéconomique, une surtaxation prolongée des exportations vers les États-Unis pourrait impacter la croissance suisse, fragiliser certains secteurs industriels à forte valeur ajoutée, et redessiner les équilibres commerciaux européens. Un signal fort pour toutes les économies dépendantes des grandes puissances : l’ère de l’accès illimité au marché américain touche peut-être à sa fin.