Le marché du crédit immobilier français donne des signes tangibles de reprise en juin 2025, après une stagnation en mai. Portée par des conditions de financement légèrement assouplies et un regain de dynamisme, cette remontée est saluée comme un signal positif. Toutefois, derrière cette embellie apparente se cachent des réalités plus nuancées. Car si les chiffres s’améliorent, la comparaison avec une année 2024 historiquement faible biaise partiellement l’analyse. Dans ce contexte, le regard expert reste indispensable pour évaluer la solidité de cette reprise.
📊 Chiffres en forte progression mais trompeurs
La Banque de France a annoncé le 6 août que les crédits immobiliers hors renégociations ont atteint 12,9 milliards d’euros en juin 2025, établissant ainsi leur plus haut niveau depuis janvier 2023. Un chiffre qui souligne un retour de l’activité sur un marché en berne depuis plusieurs trimestres. De plus, le montant cumulé des prêts sur le premier semestre 2025 bondit de 46 % par rapport à la même période en 2024.
Mais ces données spectaculaires s’expliquent en partie par une base de comparaison historiquement faible. Comme le rappelle l’Observatoire Crédit Logement/CSA, les premiers mois de 2024 avaient été marqués par une forte contraction du marché, conséquence directe des taux d’intérêt élevés.
Cette remontée est pour beaucoup liée à la dégradation exceptionnelle de l’activité en début d’année dernière
précise Michel Mouillart, professeur d’économie et analyste du secteur.
En d’autres termes, le marché se redresse, mais depuis un niveau extrêmement bas, ce qui relativise la portée réelle de cette amélioration. Le dynamisme apparent cache en réalité une normalisation progressive plus qu’un rebond solide.
🏠 Retour à la croissance, mais …
Si les chiffres de 2025 marquent une amélioration par rapport à 2024, le marché reste très en deçà des performances enregistrées avant la crise sanitaire. Comparé à la période 2016-2019, le nombre de prêts accordés a reculé de 28 % et le montant total des crédits octroyés chute de 39 %. Loin d’un retour à la normale, ces indicateurs confirment une reprise fragile et encore limitée.
Côté taux d’intérêt, la stabilisation récente autour de 3,10 % (3,11 % en mai, 3,13 % en avril) semble dessiner un certain équilibre à court terme. Cette accalmie pourrait temporairement soutenir la demande, mais les projections à moyen terme sont plus sombres. D’après Michel Mouillart, le taux moyen annuel devrait s’établir à 3,11 % en 2025, avant d’entamer une remontée vers 3,40 % d’ici fin 2026, en lien avec les tensions macroéconomiques internationales.
Ce scénario pèserait directement sur l’accessibilité à la propriété, notamment pour les primo-accédants, et limiterait les capacités d’emprunt des ménages. L’environnement financier plus exigeant pourrait ainsi freiner les velléités d’achat, malgré une stabilisation des prix dans plusieurs zones.
👁️ L’œil de l’expert : reprise oui, euphorie non
Le marché du crédit immobilier français semble bien entré dans une phase de transition. Si les indicateurs remontent, c’est davantage un rattrapage technique qu’un véritable retour à l’expansion. Les fondamentaux – taux d’intérêt, pouvoir d’achat immobilier, contexte macroéconomique – restent fragiles et exposés à des vents contraires, notamment en 2026.
Les investisseurs et les particuliers devront donc naviguer avec prudence, en tenant compte d’un environnement instable et de perspectives de financement moins favorables. En somme, le souffle nouveau sur le crédit immobilier est réel, mais encore trop timide pour parler de relance durable.