Le vinyle connaît une véritable renaissance sur le marché musical français. Plus qu’un simple retour nostalgique, ce format s’impose aujourd’hui comme un moteur de croissance économique dans une industrie en pleine mutation. Au premier semestre 2025, les ventes de disques vinyles ont bondi de 9,4 %, atteignant 45 millions d’euros, dépassant ainsi pour la première fois le CD en valeur. Derrière ce succès se cache une recomposition stratégique de l’économie de la musique, où l’équilibre entre physique et numérique devient crucial.
🎼 Le vinyle, catalyseur du marché physique
Alors que beaucoup prédisaient sa disparition face au numérique, le vinyle a surpris par sa solidité. Avec ses 45 millions d’euros de chiffre d’affaires, il surpasse désormais le CD (37 millions d’euros), tout en tirant vers le haut l’ensemble du marché physique, en progression de 4,4 % sur six mois.
Selon le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), le marché global de la musique enregistrée a atteint 432 millions d’euros au premier semestre 2025, en hausse de 3,4 %. Sur cinq ans, cela représente une croissance spectaculaire de 55 %. Alexandre Lasch, directeur général du Snep, explique cette dynamique :
Cette résilience repose sur la diversité des pratiques d’écoute et sur la complémentarité entre ventes physiques et usages numériques.
Au-delà des chiffres, cette montée en puissance reflète une mutation structurelle. Le vinyle, objet premium et porteur d’émotions, séduit un public prêt à payer plus cher pour la valeur tangible et symbolique d’un album. Ce positionnement premium dope les marges des labels, qui voient dans ce format une nouvelle poule aux œufs d’or.
🎧 Des disparités générationnelles
Si le vinyle explose, le streaming par abonnement – qui pèse pourtant 63 % du marché – affiche une croissance plus mesurée de 4,9 %. En France, la monétisation reste un défi : contrairement à d’autres pays européens, convaincre les plus de 40 ans de payer pour un abonnement demeure compliqué.
Alexandre Lasch insiste :
L’enjeu n’est plus seulement de recruter de nouveaux abonnés mais d’élargir les usages.
Les plateformes doivent à la fois fidéliser les jeunes générations, friandes de formats courts et fragmentés, et conquérir un public plus âgé, encore réticent à franchir le pas du streaming payant.
Ce contraste avec l’enthousiasme suscité par le vinyle est frappant. Format coûteux mais valorisé, il attire aussi bien les amateurs de rap — Gims, Jul, Werenoi, Keblack, Damso ou SDM dominent le Top 20 — que les passionnés de classique, jazz ou rock. Avec 75 % du Top 200 produits en France, le succès du vinyle renforce également la souveraineté culturelle nationale, un facteur économique et identitaire majeur.
👁 L’œil de l’expert : de la marge en plus
Le succès du vinyle illustre une tendance de fond : les consommateurs recherchent une expérience enrichie et incarnée, quitte à payer plus cher. Si le streaming demeure la colonne vertébrale du marché musical, sa croissance plafonne, révélant un plafond de verre économique. À l’inverse, le vinyle offre aux producteurs une marge premium, tout en soutenant la diversité artistique française.
Pour l’avenir, l’équilibre entre numérique de masse et formats physiques premium sera déterminant. Le vinyle, loin d’être une relique, apparaît désormais comme un actif stratégique dans la réinvention du modèle économique de la musique.