Longtemps cantonné au digital et aux pop-up stores éphémères, le géant chinois Shein franchit une étape décisive : son premier magasin permanent en France ouvrira dès novembre au BHV Marais à Paris, avant une implantation progressive dans cinq Galeries Lafayette régionales. Cette stratégie marque un virage majeur pour l’enseigne d’ultra fast-fashion, qui entend consolider son modèle économique sur le sol français, mais au prix de vives polémiques dans le secteur du prêt-à-porter.
🎯 Une stratégie offensive et un nouveau levier
L’installation de Shein au sixième étage du BHV Marais, sur une surface de plus de 1 000 m², consacre la volonté du groupe de s’ancrer durablement dans le commerce physique. Selon Donald Tang, président de Shein, « ce n’est ni une expérience temporaire, ni un pop-up store. C’est un engagement sur le long terme ».
La France, premier marché européen du groupe, devient ainsi la vitrine de sa stratégie. En parallèle, cinq Galeries Lafayette situées à Dijon, Grenoble, Reims, Limoges et Angers ouvriront des espaces de 300 à 400 m² chacun d’ici décembre, grâce à un accord exclusif avec la Société des Grands Magasins (SGM).
Pour le président de SGM, Frédéric Merlin, cette implantation constitue un atout :
L’arrivée de Shein va rajeunir l’offre et générer du trafic dans nos magasins.
D’après ses estimations, près de 200 emplois devraient être créés et l’afflux de clientèle jeune profiterait également aux autres enseignes installées, ainsi qu’aux commerces de proximité.
Ce déploiement n’est pas seulement une expansion commerciale : il s’agit d’un levier financier. Shein espère transformer sa visibilité en points de vente physiques en hausse de chiffre d’affaires, tout en s’insérant dans le tissu économique local, un atout pour séduire investisseurs et partenaires.
🥊 Critiques récurrentes et bataille de légitimité
Si l’arrivée de Shein dans les grands magasins parisiens et régionaux est perçue comme une aubaine par ses partenaires, elle attise aussi de vives tensions. L’enseigne est régulièrement accusée de concurrence déloyale et de saturation du marché avec des produits à bas coûts.
Récemment, le partenariat entre Shein et Pimkie a provoqué un tollé, entraînant l’exclusion de Pimkie de l’Alliance du commerce. Une preuve supplémentaire que le modèle d’ultra fast-fashion, centré sur la production massive et peu coûteuse, reste largement décrié pour ses impacts sociaux et environnementaux.
Malgré les critiques, Shein affiche une ambition claire : se légitimer au sein du commerce traditionnel.
Nos magasins intégrés vont attirer une clientèle jeune qui bénéficiera au BHV et aux Galeries Lafayette affiliées en région
insiste Donald Tang, dans une déclaration relayée par Le Figaro. Mais pour beaucoup d’acteurs du secteur, l’expansion du géant chinois pourrait accentuer la pression sur les enseignes françaises déjà fragilisées par la baisse de fréquentation et l’érosion des marges.
👁️ L’œil de l’expert
L’ouverture de magasins permanents en France traduit un tournant stratégique pour Shein, qui cherche à dépasser son image de pure plateforme digitale pour devenir un acteur omnicanal. Si cette implantation devrait générer des retombées économiques locales (emplois, fréquentation accrue, partenariats), elle relance aussi le débat sur les limites du modèle fast-fashion : impact écologique, précarité des chaînes d’approvisionnement, fragilisation du commerce local.
Pour les experts du secteur, le cas Shein illustre une tendance plus large : le glissement du commerce de la mode vers une logique de volume, vitesse et prix bas, en décalage avec les attentes croissantes en matière de durabilité. Le défi, pour Shein comme pour ses concurrents, sera désormais de concilier croissance économique et responsabilité sociale.