À l’approche de la réunion décisive du 10 décembre 2025, la Réserve fédérale américaine (Fed) se retrouve face à un dilemme économique et politique majeur : poursuivre la détente monétaire ou marquer une pause pour préserver sa crédibilité.
Selon une enquête Reuters, 80 % des économistes anticipent une nouvelle baisse du taux directeur de 25 points de base, après celle d’octobre, pour soutenir un marché du travail fragilisé et une économie américaine en net ralentissement.
Mais cette perspective divise au sein du Federal Open Market Committee (FOMC), où les désaccords se multiplient dans un contexte de shutdown gouvernemental qui paralyse la publication de nombreuses données officielles.
📊 Un marché du travail à la peine, catalyseur d’une politique monétaire plus souple
Les signaux de faiblesse du marché de l’emploi se multiplient : le taux de chômage, resté à 4,3 % en août, pourrait grimper à 4,5 % en 2026, selon la médiane du sondage Reuters. La croissance de l’emploi, quant à elle, demeure stable mais sans véritable dynamique, plusieurs entreprises privées ayant annoncé des suppressions de postes depuis le début de la paralysie administrative fédérale.
L’économiste Abigail Watt (UBS) résume le consensus :
Le marché du travail reste globalement faible, et c’est la principale raison pour laquelle nous anticipons une nouvelle baisse de taux en décembre.
Cette tendance justifie, pour la majorité des analystes, une troisième réduction consécutive du taux des “fed funds”, attendu entre 3,50 % et 3,75 % après le prochain ajustement. Pourtant, Jerome Powell reste prudent. Le président de la Fed a rappelé que rien n’était « acquis » pour décembre, soulignant la dépendance de la banque centrale aux données économiques encore incomplètes.
Autre signe de la complexité du moment : la fermeture prolongée de l’administration fédérale perturbe la visibilité économique et alimente les divisions internes du FOMC. Une loi, soumise au vote du Congrès américain, devrait permettre un redémarrage partiel des services et donc le retour de certains indicateurs clés.
Pour Stephen Juneau (Bank of America Securities), la situation reste à surveiller :
Le marché du travail ralentit, certes, mais il ne s’effondre pas. Le mois de décembre n’est pas encore joué, à moins que Powell n’observe des signaux clairs de dégradation.
💵 Inflation persistante, crédibilité menacée
Au-delà du marché de l’emploi, la bataille contre l’inflation reste au cœur des préoccupations de la Fed. L’indice PCE (Personal Consumption Expenditures) – sa mesure de référence – reste supérieur à 2 % depuis plus de quatre ans, un record depuis 1995.
Selon l’économiste Josh Hirt (Vanguard) :
Le fait que l’inflation dépasse durablement l’objectif de la Fed menace sa crédibilité. C’est un facteur que les marchés ignorent souvent jusqu’à ce qu’il devienne impossible à ignorer.
Ce constat fragilise la stratégie monétaire : baisser les taux pourrait stimuler la croissance, mais risque aussi d’entretenir les tensions inflationnistes. Le dilemme s’annonce d’autant plus complexe que la croissance américaine, qui atteignait 3,8 % au deuxième trimestre 2025, devrait tomber à 1 % d’ici la fin de l’année selon la médiane des prévisions.
La Fed se retrouve donc à mi-chemin entre deux impératifs contradictoires : préserver l’emploi sans rallumer la flamme inflationniste. Une équation que Powell devra résoudre sous haute tension politique et financière.
👁️ L’œil de l’expert : un virage décisif pour 2026
Le scénario d’une nouvelle baisse des taux en décembre illustre la volonté de la Fed d’éviter une récession prématurée. Mais à plus long terme, ce choix pourrait affaiblir la crédibilité de l’institution si l’inflation persiste au-dessus de son objectif de 2 %.
Les analystes s’accordent : la banque centrale américaine entre dans une phase délicate, où chaque décision pèsera sur la trajectoire de 2026. Le spectre d’une croissance molle – autour de 1,8 % par an jusqu’en 2027 – impose à la Fed de trouver le juste équilibre entre stimulation et rigueur.
Verdict : la détente monétaire de décembre pourrait bien être la dernière avant un tournant vers la prudence.





