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Réforme des retraites suspendue : un gel à 62 ans et 9 mois

L'hémicycle de l'Assemblée Nationale
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C’est un tournant majeur dans le débat social français. Ce mercredi 12 novembre, l’Assemblée nationale a adopté, en première lecture, l’article 45 bis du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2026, officialisant la suspension de la réforme des retraites jusqu’au 1er janvier 2028.
Résultat du scrutin : 255 voix pour, 146 contre.
Cette décision gèle l’âge légal de départ à 62 ans et 9 mois, suspendant de facto la montée progressive à 64 ans prévue par la réforme Borne de 2023.
Mais derrière ce geste politique fort, se cache un enjeu économique colossal, entre coût budgétaire croissant, instabilité institutionnelle et équilibre fragile du système de retraites.

💰 Un gel coûteux pour les finances publiques

Ce vote historique consacre une victoire symbolique pour l’opposition, mais pose une équation redoutable pour les comptes sociaux français.
La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a prévenu : « Abroger purement et simplement la réforme coûterait 13 milliards d’euros à l’horizon 2035. » Même suspendue, la mesure représente déjà un surcoût de 300 millions d’euros dès 2026, 1,9 milliard en 2027, selon les estimations du gouvernement.

Pour atténuer cette facture, un amendement fiscal clé a été introduit : une hausse de 1,4 point de la CSG sur les revenus du capital, censée générer 2,7 milliards d’euros de recettes supplémentaires.
Une mesure saluée par Sandrine Runel (PS), qui estime qu’elle permettra de « financer largement le gel de la réforme » tout en rétablissant un minimum d’équité fiscale.

Mais plusieurs voix au sein de la majorité s’inquiètent de ce qu’elles qualifient d’« hérésie budgétaire ». Le député Sylvain Berrios (Horizons) a fustigé un texte qui, selon lui, met en péril la soutenabilité du système de retraite sans garantir de financement durable.
Laurent Wauquiez, pour sa part, a dénoncé une « illusion politique » : « Suspendre la réforme ne fait pas disparaître le déficit structurel. C’est un report de charges plus qu’une solution. »

L’arbitrage politique se double donc d’un dilemme économique : répondre à la pression sociale immédiate sans compromettre la stabilité financière à long terme du régime.

🧭 Un pari politique risqué

Derrière la décision technique, c’est un véritable test de gouvernance pour un exécutif fragilisé.
Le vote de l’article 45 bis s’est déroulé dans un climat de tension extrême, reflet d’une instabilité politique chronique.
Le député Stéphane Viry (Liot) a résumé le sentiment général : « Voter la suspension, c’est le seul moyen d’avancer et de rendre à la France un budget. »

La coalition hétérogène ayant soutenu le texte — socialistes, écologistes, RN — illustre la fragilisation du macronisme et la montée des logiques de vote défensif.
Marine Le Pen a d’ailleurs revendiqué une victoire d’étape : « Nous voterons pour suspendre, en attendant l’abrogation de la réforme Borne. »

Mais cette suspension n’équivaut pas à une abrogation.
Jean-Pierre Farandou, ministre du Travail, a précisé que cette pause devait ouvrir la voie à une « conférence sociale«  entre syndicats et patronat, pour repenser le lien entre travail, durée de cotisation et financement du système.
Il a rappelé que « c’est 20 % de personnes supplémentaires qui seront concernées par cette suspension », soit un élargissement aux carrières longues et aux professions actives et super-actives, représentant un effort financier additionnel de 500 millions d’euros en 2027.

La mesure inclut également les personnes nées au premier trimestre 1965, désormais éligibles à un départ à 62 ans et 9 mois avec 170 trimestres de cotisation, au lieu des 63 ans et 3 mois initialement prévus.

En toile de fond, le gouvernement tente de gagner du temps dans un contexte institutionnel précaire, avant que le Sénat ne tranche à son tour sur le texte.

👁️ L’œil de l’expert : une manœuvre politique payante

La suspension de la réforme des retraites répond à une exigence politique immédiate : rétablir un semblant de stabilité parlementaire et apaiser un climat social explosif.
Mais sur le plan économique, cette décision ne résout rien. Elle diffère l’ajustement structurel nécessaire à la pérennité du système, tout en alourdissant la dette sociale.

Le gel de l’âge de départ à 62 ans et 9 mois pourrait rassurer l’opinion publique, mais il affaiblit la crédibilité budgétaire de la France aux yeux des marchés et des institutions européennes.
À moyen terme, l’État devra arbitrer entre hausse des prélèvements et réduction des dépenses, dans un contexte de déficit public dépassant 5 % du PIB.

Cette suspension marque donc un répit politique, non une solution durable.
Elle ouvre une fenêtre de dialogue social, mais repousse l’inévitable : une refonte en profondeur du modèle de retraite français, au croisement des enjeux économiques, démographiques et sociaux.

Written by
Morgane Cariou

Rédactrice web au sein du Groupe Win'Up, Morgane rédige des contenus d'actualité sur l'épargne, les finances personnelles, les impôts et assure également la mise à jour du site pour optimiser votre navigation.

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