À partir de 2026, une vague de revalorisation inédite s’apprête à toucher des millions de propriétaires français. Selon une enquête relayée par l’AFP, 7,4 millions de logements verront leur taxe foncière augmenter, conséquence directe de la mise à jour des bases cadastrales, largement obsolètes depuis un demi-siècle.
Derrière cette opération présentée comme une mesure “d’équité fiscale”, c’est un véritable séisme budgétaire pour les ménages et une bouffée d’air pour les finances locales. Décryptage.
⚙️ Ces « éléments de confort » qui gonfle la facture
Pendant des décennies, la taxe foncière reposait sur des critères datant des années 1970, ignorant une large partie des équipements désormais présents dans la quasi-totalité des logements. Eau courante, Électricité, WC, Lavabo, Douche ou baignoire, Chauffage ou climatiseur… autant d’éléments que Bercy considère comme « largement répandus mais absents des fichiers », selon la Direction générale des Finances publiques (DGFiP).
Conséquence : en 2026, ces équipements seront intégrés automatiquement dans le calcul de la valeur locative cadastrale, sans intervention du propriétaire.
La DGFiP précise que cette opération vise à « fiabiliser les bases foncières » pour tenir compte de ce confort non recensé. Chaque équipement ajoutera des mètres carrés fictifs dans l’assiette fiscale, ce qui augmente mécaniquement la taxe due.
Un impact massif chiffré
7,4 millions de biens concernés,
+63 € en moyenne par logement,
466 millions d’euros supplémentaires attendus pour les collectivités,
32 millions de propriétaires potentiellement exposés, via de futures hausses locales ou indexations.
Amélie de Montchalin, ministre déléguée aux Comptes publics, justifie cette révision en affirmant auprès de l’AFP qu’il s’agit d’une question « d’efficacité et d’équité : chacun doit contribuer en fonction des caractéristiques réelles de son logement ».
Cette mise à jour prépare également le terrain à une réforme beaucoup plus large : la révision générale des valeurs locatives, prévue dans la loi de finances 2021 et appelée à transformer durablement le paysage fiscal immobilier.
🗺️ Qui paiera plus ? Des disparités territoriales très marquées et des recours prévisibles
L’ajustement ne frappera pas toutes les régions avec la même intensité. Les écarts de confort déclaré dans les bases actuelles créent de fortes variations départementales.
Les départements les plus exposés – Selon les données citées par l’AFP, les départements qui seront les plus impactés sont dans l’ordre décroissant la Haute-Corse (+60 % des logements réévalués), la Corse-du-Sud (45 %), l’Aude (42 %), Paris (25 %), et enfin l’Indre-et-Loire & l’Isère (autour de 10 %).
La proportion exacte dépendra du niveau de renseignement déjà présent dans les fichiers cadastraux. Les propriétaires concernés seront notifiés dès juin 2026 dans leur espace personnel impots.gouv.
Un terrain propice aux litiges – Face aux interrogations, l’administration rappelle que des recours existent. La DGFiP indique que les propriétaires ayant des logements « réellement dépourvus de ces installations » pourront contester la hausse et demander un dégrèvement. Mais sur le terrain, les critiques se multiplient. Pour Frédéric Scalbert (CGT Finances publiques), il existe « un biais très parisien dans la vision du confort moyen des logements ». Alors que Sylvain Grataloup, président de l’Union nationale des propriétaires immobiliers, émet de sérieux doutes : « Je ne vois pas comment l’administration pourra gérer un tel chantier », avant de prévenir : « Cette réforme va inévitablement générer un volume important de contentieux ».
Les collectivités locales, elles, se préparent à accueillir un surcroît de recettes, indépendamment de futures hausses des taux ou de l’inflation, ce qui pourrait rendre la pression fiscale encore plus lourde dans certaines zones.
👁️ L’œil de l’expert : tournant fiscal, mais risque politique
La révision des bases foncières est économiquement logique : elle corrige un décalage de plusieurs décennies et s’assure que la fiscalité immobilière reflète mieux la réalité du parc résidentiel. Cependant elle survient dans une période d’inflation et de tensions sur le logement. Elle touche, de surcroît, des propriétaires déjà confrontés à des hausses de charges multiples. A cela s’ajoute le fait que cette révision va créer un environnement d’incertitude juridique conséquent, tout en risquant d’alimenter un sentiment d’« impôt caché » chez les ménages.
Cette réforme marque donc un pas important vers une fiscalité immobilière plus cohérente… mais son impact financier et psychologique pourrait devenir explosif si les collectivités ajoutent leurs propres hausses par-dessus.
Le sujet sera l’un des grands dossiers fiscaux de 2026, et probablement un terrain politique sensible en amont des prochaines échéances électorales.





