Chaque année, le visage jovial du Père Noël, aux joues rouges et à la barbe blanche, envahit nos vitrines et nos écrans. Mais si l’existence du Père Noël relève de l’imaginaire, son rôle dans l’économie mondiale, lui, est bien réel. Une légende persistante affirme que Coca-Cola aurait créé le personnage, mais la réalité est plus nuancée. Comme le rappelle l’ethnologue Olivier Grenouilleau, « Sinter Klass » des Pays-Bas, ancêtre de Santa Claus, a été importé aux États-Unis dès le XVIIIᵉ siècle et transformé par plusieurs artistes avant même que la célèbre boisson ne s’en empare. Aujourd’hui, l’image du Père Noël est un véritable actif marketing, générant des retombées économiques considérables pour l’industrie publicitaire et la distribution.
🎅🏼 Origines : de Saint-Nicolas à Santa Claus
Le Père Noël moderne s’inspire largement de Saint-Nicolas de Myre, évêque du IVᵉ siècle reconnu pour sa générosité envers les enfants et les pauvres. En Europe du Nord, il était célébré sous le nom de « Sinter Klass », un personnage aux vêtements simples, fumeur de pipe et distribuant des cadeaux. Les colons néerlandais ont ensuite importé cette tradition aux États-Unis, où le personnage a évolué au XIXᵉ siècle grâce à l’action de trois artistes majeurs : Washington Irving, qui a popularisé le nom de Santa Claus, Clement Clarke Moore, poète inventeur du traîneau avec ses rênes et de l’entrée par la cheminée, et enfin Thomas Nast, illustrateur qui a dessiné le costume rouge, le ventre rebondi et la barbe blanche.
Ces évolutions ont fixé à jamais l’image que nous connaissons aujourd’hui avant même l’arrivée de Coca-Cola dans le jeu publicitaire.
Le poème A Visit From St. Nicholas de Moore a servi de base pour Haddon Sundblom, l’illustrateur de Coca-Cola, afin de standardiser le personnage aux couleurs de la marque. Cette représentation a été diffusée massivement dès 1931, transformant Santa Claus en icône globale.
🥤 Coca-Cola et l’industrialisation du mythe
Si Coca-Cola n’a pas inventé le Père Noël, l’entreprise a exploité son image pour booster ses ventes et son rayonnement international. Dès les années 1920, elle utilise Santa Claus dans ses campagnes publicitaires et confie à Sundblom la mission de créer un personnage « chaleureux, amical et grassouillet », parfaitement aligné avec l’identité de la marque.
L’impact économique n’est plus à démontré : les campagnes publicitaires de Coca-Cola ont contribué à augmenter les ventes hivernales dans un marché encore limité par la saisonnalité. Le personnage est devenu un actif marketing immatériel, valorisable par des licences, produits dérivés et campagnes cross-média. Et enfin, la diffusion de Coca-Cola et de son Père Noël en Europe après 1945 a profité du plan Marshall et de l’exportation du « rêve américain », renforçant la présence de la marque dans les foyers européens.
Selon certaines analyses marketing, la simple image de Santa Claus aux couleurs de Coca-Cola a pu générer des milliards de dollars de notoriété et de ventes indirectes sur près de 90 ans.
🌍 Du mythe local au symbole universel
L’adoption mondiale de Santa Claus illustre parfaitement comment un personnage culturel peut devenir un levier économique mondial. Les retombées sont multiples dans, par exemple, l’industrie du jouet et de la distribution puisque l’image du Père Noël stimule les achats saisonniers et influence la planification commerciale des enseignes. D’autres retombées sont aussi recensées dans le marketing et la publicité : Santa Claus sert de mascotte universelle, générant un retour sur investissement supérieur à celui de nombreuses campagnes classiques. Et on constate enfin des retombées dans le tourisme et l’événementiel :avec par exemple la création de marchés entiers, comme les villages de Noël ou les parcs à thème, reposant sur le mythe et son iconographie.
Pour illustrer ce phénomène, on sait aujourd’hui qu’un supermarché qui intègre Santa Claus dans sa stratégie promotionnelle peut voir une augmentation de 15 à 25 % de ses ventes sur la période de décembre, simplement grâce à l’effet émotionnel associé au personnage.
👁️ L’œil de l’expert
Selon les spécialistes du marketing culturel, le cas du Père Noël et de Coca-Cola illustre parfaitement la puissance des actifs immatériels. Comme le souligne Olivier Grenouilleau, « le personnage a traversé les siècles grâce à l’imaginaire collectif avant d’être industrialisé par la publicité ». Pour les entreprises, leçon clé : un symbole fort, même existant dans le domaine public, peut être exploité économiquement de manière durable, générant un impact direct sur les ventes, la notoriété et la fidélisation client. Coca-Cola n’a pas créé le Père Noël, mais a parfaitement su transformer un mythe historique en moteur financier planétaire.

