Entre Netflix, Spotify, Disney+ ou Canal+, les services numériques se sont imposés comme de nouveaux réflexes de consommation. Mais à mesure que les offres se multiplient, le budget des ménages s’envole. Selon une récente étude Spliiit publiée le 7 octobre, 70 % des Français possèdent au moins un abonnement numérique, mais un tiers d’entre eux ne l’utilise même plus. Derrière ces formules oubliées se cache un phénomène bien réel : celui des “abonnements fantômes”, une dérive silencieuse qui coûte des centaines d’euros chaque année aux foyers français.
📺 L’inflation invisible des dépenses numériques
L’ère du streaming a bouleversé les habitudes de consommation, mais elle a aussi complexifié la gestion du budget des ménages. D’après Spliiit, près d’un Français sur deux dépense plus de 25 € par mois pour ses services numériques, et 13 % dépassent les 50 €. Certains atteignent même la barre des 100 € mensuels, souvent répartis entre six abonnements ou plus.
Cette inflation masquée n’est pas anodine : elle représente jusqu’à 1 200 € par an pour certains foyers. Et pourtant, 15 % des abonnements payés ne sont jamais utilisés. Un jeune sur deux, âgé de 18 à 24 ans, reconnaît payer pour une plateforme qu’il n’ouvre “presque jamais”.
Ce phénomène d’abonnement passif traduit un comportement de consommation proche de la “fatigue numérique” : trop de services, trop de choix, et une difficulté à suivre ce que l’on paie vraiment.
Les abonnements fantômes créent une illusion de petit montant mensuel, mais cumulés, ils deviennent une charge budgétaire considérable
souligne Julien Trosset, directeur de la plateforme Spliiit. Un sondé évoque par exemple avoir conservé plus de six formules payantes, sans en exploiter la moitié, pendant plus de six mois avant d’en résilier certaines. Une inertie coûteuse… mais très répandue.
🔄 Pourquoi les Français n’agissent pas
La paresse numérique n’est pas la seule responsable. Selon Spliiit, 38 % des abonnés gardent volontairement un service inutile, espérant “s’en resservir un jour”. 27 % oublient tout simplement qu’ils le paient, 16 % craignent de “manquer un contenu”, et 8 % avouent ne pas avoir le courage d’entamer les démarches de résiliation.
Cette inertie s’explique aussi par une mécanique marketing bien huilée. Les plateformes privilégient des prélèvements automatiques discrets et des procédures de désabonnement parfois complexes, bien que la réglementation française impose désormais la “résiliation en trois clics” pour les contrats numériques.
Pour les plus vigilants, certains outils — agrégateurs bancaires, applications de gestion de budget, services de comparaison — permettent d’identifier et d’annuler rapidement les abonnements dormants. Et cette vigilance peut rapporter gros : jusqu’à 400 € économisés par an pour un ménage moyen, selon une étude récente de la Banque de France.
L’économie réalisée n’est pas seulement financière, elle est aussi psychologique : reprendre le contrôle de ses dépenses, c’est réduire le sentiment de subir la consommation
explique Élodie Dubreuil, économiste du comportement au CNRS.
👁️ L’œil de l’expert : fin de l’ère du “tout-abonnement” ?
Ce phénomène d’abonnements fantômes illustre un changement de paradigme économique. Après l’explosion du “tout-abonnement” dans les années 2010, les consommateurs semblent aujourd’hui enclencher une phase de rationalisation. Face à l’inflation et à la baisse du pouvoir d’achat, le modèle des revenus récurrents, cher aux géants du numérique, atteint un seuil critique.
Les experts anticipent une mutation du modèle d’abonnement vers plus de flexibilité, avec des formules à la demande ou saisonnières. En parallèle, le développement du partage de compte légal et encadré pourrait redéfinir la rentabilité de ces services.
En clair : les Français ne rejettent pas la culture du streaming, mais ils veulent la reprendre en main. Gérer ses abonnements n’est plus une contrainte, c’est désormais un acte d’intelligence financière.