Le marché de l’assurance emprunteur tremble à nouveau. Après la condamnation du CIC Est début octobre, trois établissements bancaires majeurs – la Bred, la Caisse d’Épargne Île-de-France et le Crédit Agricole Paris Île-de-France – viennent d’être sanctionnés pour non-respect des règles fixées par la loi Lemoine. En cause : des délais excessifs dans le traitement des demandes de changement d’assurance.
Ces manquements, révélés par Le Parisien et confirmés par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), mettent en lumière les tensions persistantes entre les banques et la réglementation sur un marché en pleine mutation économique.
⚖️ Des manquements répétés face à la loi Lemoine
Selon la DGCCRF, les trois banques sanctionnées ont omis de répondre dans le délai légal de dix jours prévu par l’article L.313-31 du Code de la consommation, après réception d’une demande de substitution d’assurance.
Cette règle, instaurée par la loi Lemoine de 2022, vise à garantir la liberté de choix de l’emprunteur et à stimuler la concurrence entre assureurs.
Mais sur la période de janvier 2023 à mars 2024, ces obligations n’ont pas été respectées dans un nombre significatif de dossiers.
La société n’a pas répondu dans un délai de dix jours aux demandes de ses assurés concernant le changement d’assurance emprunteur et, en cas d’acceptation, n’a pas transmis l’avenant au contrat de prêt dans ce même délai
précise la décision de la DGCCRF. Les sanctions sont à la hauteur du manquement :
Crédit Agricole Paris Île-de-France : 323 518 € d’amende, assortie d’une obligation de publication sur son site internet;
Bred Banque Populaire : 298 000 €;
Caisse d’Épargne Île-de-France : 80 000 €.
Ces décisions s’inscrivent dans la continuité d’une série de contrôles intensifiés par la Répression des fraudes depuis 2023. Pour l’administration, il s’agit clairement de faire respecter un droit encore trop souvent contourné.
📉 Des enjeux financiers majeurs pour les banques et les emprunteurs
Si la loi Lemoine a bouleversé le marché de l’assurance de prêt immobilier en permettant aux emprunteurs de résilier leur contrat à tout moment, son application reste source de tensions économiques.
Pour les banques, chaque changement d’assurance représente une perte potentielle de revenus récurrents, souvent compensée par des produits maison ou des contre-offres. Résultat : certaines institutions auraient ralenti volontairement les procédures pour freiner la concurrence des assureurs alternatifs.
Or, ce type de pratiques est désormais strictement encadré. Comme le souligne la DGCCRF :
Le droit à la résiliation infra-annuelle n’est pas une option, mais une obligation.
Pour les emprunteurs, ces décisions représentent une victoire concrète : la jurisprudence ainsi créée facilitera la contestation des retards abusifs et renforcera la confiance dans la possibilité de changer d’assurance pour réduire le coût global du crédit immobilier.
D’un point de vue macroéconomique, la réaffirmation de cette règle soutient la baisse structurelle des primes d’assurance, encourage la transparence du marché, et pourrait, à moyen terme, rééquilibrer la concurrence entre banques et assureurs indépendants.
👁️ L’œil de l’expert : un signal fort envoyé aux banques
Cette nouvelle salve de sanctions illustre une volonté politique claire de l’État : imposer une discipline stricte dans le traitement des demandes clients, dans un secteur où les marges se resserrent.
Pour les établissements bancaires, l’enjeu n’est pas seulement juridique, mais économique et réputationnel. Chaque amende s’accompagne d’un risque d’image accru, dans un contexte où la transparence et la réactivité deviennent des critères de fidélisation décisifs.
À terme, les banques devront adapter leurs process internes et digitaliser davantage la gestion des demandes de substitution pour éviter de nouvelles sanctions.
Du côté des emprunteurs, cette fermeté devrait encourager un retour de confiance et dynamiser le marché de la concurrence entre assureurs — un levier essentiel pour réduire le coût du crédit immobilier dans un environnement de taux encore élevés