Accueil Choose France : beaucoup de paillettes à Versailles, mais panne en coulisses

Choose France : beaucoup de paillettes à Versailles, mais panne en coulisses

Partager

Quand les projecteurs masquent les fissures : dans un décor à la hauteur de l’ambition présidentielle, Emmanuel Macron a, une fois encore, joué les maîtres de cérémonie pour Choose France, rassemblant grands patrons et géants de l’industrie dans les ors de Versailles. Un casting cinq étoiles, des annonces chiffrées à coups de milliards, et une communication gouvernementale au bord de l’extase. Mais derrière la façade d’un événement millimétré, la réalité économique française s’invite, implacable : si la vitrine séduit, l’arrière-boutique inquiète. Investissements étrangers, aides publiques, attractivité industrielle… Que se cache-t-il réellement derrière ce storytelling institutionnel ? Décryptage, loin du tapis rouge.

Des annonces spectaculaires… mais aux contours flous

« Une édition record », s’est félicité Bercy : 53 projets d’investissements, pour un montant annoncé de 40,8 milliards d’euros. Des chiffres imposants, mis en avant comme la preuve ultime du magnétisme économique français. Navires de croisière, carburants durables, métaux stratégiques, recyclage textile… La diversité sectorielle impressionne, tout comme l’ambition affichée de relancer la réindustrialisation. Mais ces engagements, souvent étalés sur plusieurs années, ne disent rien de leur exécution réelle, ni de leur efficacité concrète.
Comme le souligne un analyste économique de la place : 

Il faut distinguer l’annonce politique de l’impact macroéconomique. Un projet peut être signé, sans jamais aboutir ou créer l’emploi promis.

Dans ce flou artistique, le chef de l’État martèle l’importance de « créer de la valeur sur le territoire ». Mais à quels coûts ? Les subventions publiques, massives et peu transparentes, alimentent une stratégie industrielle où le soutien de l’État s’apparente parfois à une politique du chèque en blanc. Ce que résume finement l’économiste Benoît Granier :

L’attractivité française repose trop souvent sur des incitations financières massives, dont l’efficacité reste largement indémontrée.

Un storytelling bien huilé qui masque l’essoufflement économique

Le décor de Versailles, soigneusement orchestré entre fastes et discours volontaristes, masque mal une réalité bien plus terne. Derrière les annonces, la France semble figée, incapable de transformer l’essai industriel. Les entreprises nationales tirent la sonnette d’alarme : entre un coût du travail parmi les plus élevés d’Europe, une instabilité fiscale chronique et une dette publique vertigineuse, les obstacles s’accumulent. « Peut-on encore grandir, innover, prospérer en France ? », s’interrogent de nombreux chefs d’entreprises.

La scène internationale, elle, ne pardonne rien. Pendant que la France mise sur l’effet d’annonce, ses voisins – notamment la Suisse et le Royaume-Uni – soignent leur compétitivité avec davantage de pragmatisme. Le cabinet Bain & Company le notait récemment : sans véritable réforme structurelle, la France risque de devenir moins centrale dans les stratégies industrielles mondiales, malgré les projecteurs de Versailles.

Une attractivité en trompe-l’œil, des besoins structurels ignorés

Si les investissements étrangers sont bienvenus, ils ne répondent qu’en partie aux défis structurels de l’économie française. La croissance, l’emploi et l’innovation ne peuvent reposer uniquement sur des capitaux venus d’ailleurs, aussi prestigieux soient-ils. D’autant que ces projets, souvent enclenchés sous conditions d’aides massives, risquent de fragiliser les équilibres budgétaires déjà précaires.

On célèbre des promesses d’investissement alors que notre tissu industriel local souffre d’un manque cruel de soutien pérenne

rappelle un industriel du secteur manufacturier.

Pire encore, cette mise en scène cache l’essoufflement d’un pays en panne de cap depuis la dissolution de l’Assemblée nationale. Un pays où la réforme de fond attend toujours, et où les indicateurs de compétitivité stagnent, voire reculent. Là encore, peu d’autocritique dans les salons dorés. Et pourtant, la lucidité serait la première des relances.

L’œil de l’expert : entre vitrine brillante et fondations fragiles

Derrière les 40 milliards d’annonces, c’est tout un modèle économique qu’il faut repenser. Oui, la France peut séduire par son image, son innovation, sa localisation stratégique. Mais elle ne deviendra réellement attractive que lorsqu’elle s’attaquera à ses faiblesses systémiques : rigidité du marché du travail, complexité administrative, poids des prélèvements obligatoires. En l’état, Choose France ressemble davantage à un exercice de communication politique qu’à un véritable tournant industriel. À trop miser sur le court terme, le pays risque de rater l’essentiel : bâtir un avenir économique robuste, fondé sur la compétitivité réelle et la confiance des acteurs nationaux.

Written by
Vanessa Vallée

Responsable du développement commercial au sein du Groupe Win'Up, Vanessa accompagne des entrepreneurs dans leur projet de création et participe au développement de la notoriété des enseignes du groupe. Sensible aux sujets économiques et financiers, Vanessa partage son avis sur les actualités.

🔊 En direct

ÉconomieÉconomie Mondiale

Face à la nouvelle offensive protectionniste de Washington, Bruxelles envisage un coup de force inédit : cibler directement les services américains, véritable colonne...

ÉconomieÉconomie Mondiale

Alors que la guerre en Ukraine s’intensifie, l’Union européenne a annoncé, vendredi 19 juillet, l’adoption d’un 18ᵉ paquet de sanctions visant directement le...

BudgetFinances

À l’heure où les tarifs autoroutiers grimpent chaque année, une méthode légale et méconnue permet aux automobilistes de réduire sensiblement leur facture. Derrière...

BudgetFinances

Alors que le budget vacances des Français subit une cure d’austérité en 2025, le choix du mode de transport devient une décision stratégique....

ÉpargneFinances

Dans un contexte où le pouvoir d’achat reste sous pression, épargner 50 euros par mois peut sembler anecdotique. Pourtant, cette somme régulière, bien...

SociétéSport

Star absolue du cyclisme mondial, Tadej Pogacar ne domine pas seulement le Tour de France, il règne aussi sur les finances du peloton....

SociétéTravail

Dans un contexte budgétaire sous haute tension, le gouvernement explore une nouvelle piste susceptible d’agiter le monde du travail : permettre aux salariés...

Banque et Néo-banqueImmobilier

Une révolution discrète, mais puissante dans le monde du crédit : pendant longtemps, renégocier son crédit immobilier relevait du parcours du combattant. Entre...

BudgetSociété

Chaque année, la rentrée scolaire représente un véritable casse-tête financier pour de nombreux parents, confrontés à la gestion d’un budget souvent serré. Selon...

Immobilier

Dans l’univers de l’investissement immobilier, certaines stratégies restent méconnues du grand public malgré leur efficacité redoutable. C’est le cas de l’achat en nue-propriété, une...

D'autres articles
ÉconomieÉconomie Mondiale

Droits de douane : L’UE prête à riposter contre la tech améri

Face à la nouvelle offensive protectionniste de Washington, Bruxelles envisage un coup...

ÉconomieÉconomie Mondiale

Guerre économique : L’UE frappe la Russie au portefeuille avec un nouveau train de sanctions

Alors que la guerre en Ukraine s’intensifie, l’Union européenne a annoncé, vendredi...

BudgetFinances

Péages autoroutiers : l’astuce économique pour baisser la facture

À l’heure où les tarifs autoroutiers grimpent chaque année, une méthode légale...

BudgetFinances

Vacances 2025 : Quel transport vous coûte (vraiment) le moins cher selon votre profil ?

Alors que le budget vacances des Français subit une cure d’austérité en...