L’annonce d’une surtaxe douanière américaine de 15 % visant l’Union européenne, appliquée dès le 7 août 2025, marque un tournant majeur dans les relations commerciales transatlantiques. Alors que Donald Trump justifie cette stratégie par une volonté de “reconquête économique”, les entreprises françaises, elles, se retrouvent exposées à un nouveau cycle d’incertitudes, d’ajustements stratégiques… et de pertes financières potentielles.
Entre menaces sur les marges, recul des débouchés à l’export et manque de soutien communautaire, le tissu industriel français tente de s’adapter tant bien que mal à cette nouvelle réalité.
🚫 Les grands perdants de la décision américaine
Repoussées d’une semaine, les nouvelles taxes américaines frapperont donc dès le 7 août une large gamme de produits européens. Fixées à 15 %, elles épargnent partiellement certains secteurs stratégiques (aéronautique, produits chimiques, quelques denrées agricoles), mais pénalisent directement des filières clés pour la France : automobile, pharmaceutique, vins, spiritueux, produits laitiers…
C’est une déception, surtout après les tensions déjà vécues avec la Chine. On a désormais au moins un peu de visibilité
déclare Jérôme Sourisseau, président de l’agglomération de Grand Cognac, sur RMC, tout en évoquant des suppressions d’emplois annoncées dans les grandes maisons de cognac.
Ces mesures renforcent un sentiment d’abandon parmi les producteurs locaux, confrontés à un ralentissement brutal de leurs exportations vers les États-Unis depuis janvier.
🔄 Résilience forcée mais suffisante?
Face à la pression tarifaire, certaines entreprises françaises revoient leur stratégie commerciale à marche forcée. La société bretonne Guy Cotten, spécialisée dans les vêtements de mer, anticipe une baisse de 5 % de son chiffre d’affaires aux USA, mais préfère relativiser. Julien Bertholom, export manager confie :
Nos concurrents aussi vont souffrir. Cela va nous forcer à accélérer notre présence sur d’autres marchés
Même constat d’ajustement du côté du nougatier Chabert et Guillot, contraint de reporter son entrée sur le marché américain après des investissements déjà engagés.
On s’attend à une érosion de nos marges. Et si l’Union européenne riposte, le coût de nos approvisionnements pourrait exploser
prévient Cyril Chabrier, directeur financier de l’entreprise, inquiet pour ses importations d’amandes californiennes.
Une dynamique qui illustre une tension grandissante : entre marges rognées, chaînes d’approvisionnement menacées et diversification parfois contrainte, les entreprises hexagonales sont au pied du mur.
🇪🇺 La France isolée dans la riposte européenne
Alors que les États-Unis ont déjà sécurisé plusieurs accords bilatéraux avec le Royaume-Uni, le Japon ou encore la Corée du Sud, l’Union européenne semble peiner à formuler une réponse coordonnée.
L’Union n’est pas assez crainte dans les négociations commerciales
a reconnu Emmanuel Macron en Conseil des ministres, pointant une faiblesse structurelle de la diplomatie économique européenne.
Plus direct, François Bayrou estime que la France a été “un peu seule” dans cette bataille, illustrant une fois de plus le manque d’unité entre les États membres face aux offensives commerciales américaines.
Pendant ce temps, Donald Trump, lors de la signature de son décret, s’est félicité de cette stratégie qu’il qualifie de redressement national :
Nous faisons entrer des milliards dans le pays. L’Amérique est redevenue le pays le plus respecté au monde.
Une déclaration qui tranche avec le climat de tension économique et d’inquiétude palpable dans plusieurs filières européennes.
👁 L’œil de l’expert : une drôle de diplomatie
Au-delà des mesures techniques, cette nouvelle vague protectionniste remet en question l’équilibre des rapports de force mondiaux. Les États-Unis imposent unilatéralement leurs règles, contraignant les économies partenaires à s’adapter sans concertation. Pour les PME françaises fortement dépendantes des exportations, l’impact est d’autant plus brutal que les réponses européennes tardent ou manquent d’envergure.
Sans stratégie de défense commerciale cohérente, la France risque non seulement d’accuser des pertes immédiates, mais surtout de perdre en attractivité et en compétitivité sur le long terme. L’Europe, quant à elle, devra rapidement se repositionner si elle veut rester un acteur crédible sur la scène économique mondiale.
