Budget 2026 : les économies de Bayrou sous tension, les Français en première ligne
40 milliards d’euros. C’est l’objectif fixé par François Bayrou pour redresser les finances publiques sans toucher à la fiscalité. Un cap ambitieux que le Premier ministre compte détailler à la mi-juillet, dans une séquence budgétaire qui s’annonce aussi politique qu’économique, sur fond de majorité fragilisée et de tensions sociales. Derrière les effets d’annonce, ce sont des mesures concrètes et souvent sensibles qui se dessinent — et qui auront un impact direct sur le quotidien des Français.
🧾 Fonction publique, opérateurs, niches fiscales : la chasse aux coûts
Parmi les leviers explorés par le gouvernement figure la réduction du nombre de fonctionnaires, une mesure symbolique autant que sensible. 62 000 agents supplémentaires ont été recensés entre 2022 et 2023, portant les effectifs à 5,8 millions, un chiffre que Bercy juge incompatible avec les impératifs budgétaires. Éric Lombard, directeur général du Trésor, affirme :
Cette hausse a participé au dérapage des finances publiques l’an dernier.
Mais difficile de sabrer sans provoquer de levée de boucliers. Les enseignants et les soignants, déjà sous pression, ne peuvent décemment être ciblés. D'où l’ambiguïté : où tailler ? Le gouvernement reste évasif.
Autre piste : la rationalisation des opérateurs publics. Hors universités, plusieurs agences pourraient être fusionnées ou supprimées, pour dégager jusqu’à 3 milliards d’euros sur quelques années. À cela s’ajoute une remise à plat des niches fiscales — 467 dispositifs représentant 85 milliards d’euros — avec pour objectif d’éliminer les moins efficaces.
Le secteur des services à la personne pourrait également perdre des avantages. Si la garde d’enfants et l’accompagnement des personnes âgées seraient épargnés, près de 26 métiers pourraient perdre leur crédit d’impôt, une mesure qui toucherait directement les ménages et les emplois non délocalisables.
🏥 Sécu, ALD : le grand tournant de la santé ?
Le gouvernement explore aussi des pistes sensibles dans le domaine de la protection sociale, notamment autour des affections de longue durée (ALD). Ces maladies chroniques, reconnues et prises en charge à 100 % par l’Assurance maladie, concernent près de 12 millions de personnes.
Mais cette couverture est-elle tenable à long terme ? Le ministre de la Santé, Yannick Neuder, soulève la question sur LCP :
Est-ce un gros mot de dire qu’il faut réévaluer certaines ALD, notamment pour les patients en rémission complète ?
Cette interrogation, dans un contexte de vieillissement de la population, ouvre la voie à une refonte du système, que réclamait déjà un rapport conjoint de l’IGF et de l’Igas. Celui-ci pointait une absence de contrôle depuis 1986 et évoquait 500 millions d’euros d’économies potentielles. Toutefois, le sujet reste hautement inflammable, tant la Sécu demeure un pilier du contrat social français. 🏥⚖️
🧮 Année blanche, TVA sociale : des idées explosives
La mesure la plus controversée reste probablement celle d'une « année blanche » budgétaire. En clair : reconduire les crédits de 2025 sans les indexer sur l’inflation, ce qui reviendrait à geler les revalorisations de salaires des fonctionnaires, retraites, prestations sociales ou encore les dotations aux collectivités. Un coup de rabot massif, mais temporaire, qui permettrait jusqu’à 20 milliards d’euros d’économies.
Une méthode que Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, juge peu pertinente :
Ce serait un “one shot”. Mais ensuite, que fait-on ? L’effort doit être structurant, réparti sur plusieurs années, jusqu’en 2030.
François Bayrou, de son côté, a également remis en lumière la TVA sociale, un vieux serpent de mer. Le principe : hausser légèrement la TVA tout en baissant les cotisations patronales, afin de soutenir l’emploi et relancer la consommation. Un mécanisme plébiscité par le Medef, mais qui déclenche déjà une levée de boucliers politique.
À gauche, on dénonce une mesure injuste pour les ménages modestes, déjà fortement exposés à la TVA. À droite, le Rassemblement National y voit une hausse d’impôt déguisée, ouvrant la voie à une motion de censure. ⚠️📊
👁 L’œil de l’expert
À l’aube d’un automne budgétaire potentiellement explosif, le gouvernement Bayrou joue une partie à haut risque. Coincé entre l’urgence du redressement financier et les lignes rouges politiques et sociales, l’exécutif tente d’assembler un puzzle complexe : réduire la dépense sans provoquer de crise.
Mais à trop multiplier les ajustements ponctuels et les signaux contradictoires, il court le risque d’un manque de lisibilité, voire de légitimité. Pour relever le défi des 40 milliards, des réformes structurelles, lisibles et équitables seront indispensables — au-delà des rustines ou des effets d’annonce.
À propos de l'auteur
Des années d’expérience et d’expertises financières, Fabien MONVOISIN est PDG du Groupe Win’Up composé de 4 enseignes spécialisées dans le regroupement de crédits, son ambition aujourd’hui est de décrypter l’actualité économique et financière dans l’objectif d’éclairer tous les Français