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Photo de l'entrée du magasin Colruyt, à Horbourg-Wihr, au cœur de l'Alsace
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Colruyt quitte la France : jusqu’à 889 emplois menacés, un désengagement au goût amer

Un retrait stratégique au coût humain bien élevé. Le couperet est tombé. Le distributeur belge Colruyt a officialisé ce lundi la cession de ses 104 magasins en France, une décision lourde de conséquences pour l'emploi et l'équilibre d’un marché de la distribution déjà sous haute tension. Alors que 81 points de vente seront repris par le Groupement Les Mousquetaires (Intermarché) pour 215 millions d’euros, le sort des 889 salariés « susceptibles d’être licenciés pour motif économique » suscite une vive inquiétude sociale et économique. 

Ce repli stratégique, justifié par une rentabilité insuffisante en France, révèle les limites du modèle Colruyt dans un environnement dominé par une guerre des prix impitoyable et une concentration croissante du secteur.

🧽 Colruyt jette l’éponge en France

Implanté en France depuis 1998, le groupe belge emploie près de 2 300 salariés, majoritairement dans le quart nord-est. Confronté à un marché français saturé, Colruyt a jeté l’éponge :

Malgré d’importants efforts sur la rentabilité de ses activités françaises, les résultats escomptés n’ont pas été atteints

reconnaît la direction dans un communiqué transmis à l’AFP. Le groupe Les Mousquetaires, troisième acteur de la distribution alimentaire en France  reprend 81 magasins – soit 1 319 emplois transférés automatiquement. Mais 24 sites (dont un encore inactif) restent sans repreneur. Et le siège de Rochefort-sur-Nenon (Jura), qui coordonne les opérations françaises, n’est pas inclus dans l’accord, accentuant la fracture sociale et géographique.

Colruyt précise que des marques d’intérêt ont été reçues pour les sites restants, mais aucune offre concrète n’a encore été formalisée à ce jour. En interne, la nouvelle a été reçue comme une déflagration : « Une décision jugée incompréhensible et socialement destructrice », dénonce le Comité social et économique dans une déclaration virulente.

⚠️ Une restructuration révélatrice d’un secteur en surchauffe

Derrière cette annonce se cache une réalité plus large : la distribution alimentaire française traverse une crise structurelle. L’hypercompétitivité du marché, exacerbée par la montée en puissance du discount, la volatilité des marges, et les attentes croissantes des consommateurs en matière de prix et de services, met à mal les enseignes les moins agiles.

Le départ de Colruyt illustre la difficulté, pour un acteur étranger au positionnement hybride, de s’imposer dans un environnement aussi concurrentiel. D’autant que les contraintes inflationnistes, la hausse des coûts logistiques et la pression sur les prix imposent une rentabilité quasi immédiate pour survivre. « Le marché français très concurrentiel de la distribution alimentaire » aura eu raison de la stratégie long terme de Colruyt Retail France, observe-t-on en interne.

La procédure de licenciement économique, encadrée par un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) en cours de discussion avec les partenaires sociaux, devrait être enclenchée dès le 4 juillet, avec un horizon fixé au premier trimestre 2026 pour la mise en œuvre effective des départs. Un calendrier qui laisse peu de place aux ajustements.

👁 L’œil de l’expert : un signal fort

Le retrait de Colruyt de l’Hexagone est plus qu’une opération économique : c’est un signal fort. Il confirme que la concentration du secteur alimentaire en France écarte progressivement les modèles intermédiaires, ni discount, ni premium, et fragilise l’emploi local dans des zones parfois déjà touchées par la désindustrialisation.

Derrière l’habillage financier – cession d’actifs, redéploiement stratégique – se cache une perte de souveraineté commerciale et un impact humain considérable. Le cas Colruyt pose aussi la question de la capacité des acteurs du marché français à intégrer socialement les conséquences de telles restructurations, souvent décidées à l’échelle européenne.

À propos de l'auteur

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