L’OPEP face au ralentissement mondial : un baril sous pression, une demande à bout de souffle
L’annonce du 14 avril 2025 marque un tournant discret mais révélateur : l’OPEP a abaissé sa prévision de croissance de la demande mondiale de pétrole pour 2025. Derrière ce recalibrage technique se cache un signal fort : le moteur énergétique mondial ralentit, fragilisé par les tensions commerciales et une consommation en perte de vitesse dans les pays industrialisés. Dans son rapport mensuel, le cartel pétrolier fait état d’un ajustement de 1,4 à 1,3 million de barils par jour (mb/j), une inflexion qui, bien que marginale sur le papier, illustre une transformation plus profonde des équilibres énergétiques mondiaux.
La consommation sous tension : le choc géopolitique et économique
Si l’ajustement semble léger, il envoie un message lourd de sens. L’OPEP attribue cette correction aux données du premier trimestre 2025 et à l’impact économique des nouvelles barrières douanières américaines, comme le relaie Le Figaro. La doctrine protectionniste relancée par Donald Trump a provoqué une cascade de répliques commerciales : 145 % de surtaxes sur certains produits chinois côté américain, et en retour 125 % sur les importations en provenance des États-Unis, dont les hydrocarbures. Dans ce climat d’instabilité, la croissance énergétique mondiale devient un dommage collatéral.
Le marché a immédiatement réagi avec prudence. Les cours du brut sont restés contenus : le Brent à 64,88 dollars et le WTI à 61,53 dollars. Les opérateurs n’espèrent plus de rebond majeur à court terme. Les prévisions pour 2026 suivent la même pente, avec une croissance ramenée à 1,3 mb/j, pour une demande totale estimée à 106,33 mb/j. L’OPEP réduit également ses attentes en matière de croissance économique mondiale : 3 % pour 2025 (contre 3,1 %) et 3,1 % pour 2026 (au lieu de 3,2 %).
Le ralentissement touche surtout les pays développés. L’Amérique du Nord affiche une baisse prévue de 70 000 barils/jour au deuxième trimestre 2025, l’Europe -20 000 barils/jour. Ces zones, historiquement au cœur de la consommation pétrolière, semblent désormais piégées dans un cycle de stagnation énergétique. Ouest-France cite l’OPEP : « La demande est sous pression, en raison de l’impact probable des nouveaux droits de douane des États-Unis sur les importations. »
Tamas Varga, analyste chez PVM Energy, va plus loin :
Les deux plus grandes économies mondiales représentent plus de 50 % de la production économique totale, et lorsque ces géants se taxent mutuellement à plus de 100 %, les conséquences économiques risquent d’être catastrophiques.
🎑 L’Asie en renfort : Chine et Inde comme derniers piliers de la croissance pétrolière
Malgré ce contexte mondial contraint, certains pôles géographiques conservent leur dynamique. La Chine et l’Inde, en particulier, apparaissent comme les deux derniers moteurs crédibles de la croissance de la demande en pétrole. L’OPEP mise sur ces économies émergentes pour soutenir la courbe mondiale, même si leur seule performance ne suffit plus à compenser les fléchissements observés en Occident.
Les prévisions trimestrielles pour 2025 illustrent cette croissance irrégulière :
- +1,1 mb/j au deuxième trimestre,
- +1,5 mb/j au troisième,
- +1,3 mb/j au quatrième, par rapport aux mêmes périodes de 2024.
Une tendance que Robert Yawger, analyste chez Mizuho USA, qualifie d’inhabituelle :
Les membres de l’Opep sont toujours très conservateurs dans leurs estimations de croissance de la demande. Le fait même de la réduire un peu est donc quelque chose de surprenant.
Cette prudence trahit une inquiétude plus large : l’effritement des certitudes sur la croissance énergétique future. Le pétrole, longtemps baromètre de la santé économique mondiale, commence à refléter un monde en transition, tiraillé entre décarbonation, chocs géopolitiques et ralentissement cyclique.
👁 L'œil de l'expert : Une inflexion stratégique, et un signal d’alerte pour les marchés
L’ajustement opéré par l’OPEP envoie un message limpide : l’âge d’or de la croissance pétrolière linéaire est révolu. Si les pays émergents tirent encore la demande, les économies matures affichent des signes d’essoufflement structurel. Le contexte géopolitique — marqué par des politiques protectionnistes extrêmes — vient accélérer cette mutation. Plus qu’un simple ajustement technique, la révision de l’OPEP pourrait bien être la confirmation que le monde entre dans une nouvelle ère énergétique — plus fragmentée, moins prévisible, et résolument géopolitique.
À propos de l'auteur
Des années d’expérience et d’expertises financières, Fabien MONVOISIN est PDG du Groupe Win’Up composé de 4 enseignes spécialisées dans le regroupement de crédits, son ambition aujourd’hui est de décrypter l’actualité économique et financière dans l’objectif d’éclairer tous les Français