Alors que la planète espérait une accélération historique de la transition énergétique, le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), publié ce mardi, jette un froid.
L’objectif de tripler la capacité mondiale en énergies renouvelables d’ici 2030, adopté lors de la COP28 de Dubaï, semble désormais inatteignable. En cause : des revirements politiques majeurs aux États-Unis et en Chine, mais aussi une rentabilité en berne pour de nombreux projets. Résultat : la progression des filières solaire, éolienne et hydraulique perd de sa vigueur, alors même que la demande mondiale en énergie continue d’exploser.
🌱 La croissance verte cale
Selon le rapport de l’AIE, la capacité mondiale de production d’énergie renouvelable ne devrait plus être multipliée que par 2,6 d’ici 2030, contre un objectif de triplement initialement prévu.
Une révision à la baisse de 5 % par rapport aux prévisions de 2024, conséquence directe de changements de cap politique dans deux des plus grandes puissances mondiales.
Aux États-Unis, la suppression anticipée des crédits d’impôt fédéraux a provoqué un véritable séisme. Ces aides fiscales, pilier du plan de relance énergétique voulu par l’administration Biden, soutenaient massivement le solaire et l’éolien. Leur disparition a poussé l’AIE à diviser par deux ses projections pour le marché américain.
En Chine, le passage d’un système de tarifs réglementés à un modèle d’enchères compétitives a bouleversé la rentabilité des projets. Les investisseurs se montrent désormais plus prudents, réduisant sensiblement le volume des nouvelles installations.
Selon l’AIE, la planète ne devrait ajouter que 4.600 gigawatts (GW) de capacités renouvelables d’ici la fin de la décennie — soit l’équivalent combiné de la production énergétique de la Chine, de l’Union européenne et du Japon. Il y a un an encore, l’agence tablait sur 5.500 GW supplémentaires, un écart colossal qui compromet les ambitions climatiques mondiales.
☀️ L’Inde et l’Europe, nouveaux moteurs
Si les deux géants mondiaux ralentissent, d’autres régions prennent le relais. L’AIE souligne le dynamisme croissant de l’Inde, de l’Europe et des économies émergentes, qui compensent partiellement la perte de vitesse sino-américaine.
L’Inde est en passe de devenir le deuxième marché mondial de croissance des énergies renouvelables, avec une capacité multipliée par 2,5 en cinq ans. L’État investit massivement dans le solaire photovoltaïque, qui représentera 80 % de la hausse mondiale des capacités renouvelables d’ici 2030.
L’Union européenne revoit ses prévisions légèrement à la hausse grâce à l’élan de pays comme l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et la Pologne, soutenus par le Green Deal et les plans nationaux de décarbonation.
La géothermie, souvent restée en marge, connaît un regain d’intérêt spectaculaire. L’AIE évoque des “sommets historiques” à venir sur des marchés clés comme les États-Unis, le Japon et l’Indonésie, tandis que l’hydroélectricité séduit à nouveau pour sa capacité à stabiliser les réseaux électriques via le stockage par pompage.
Seule ombre au tableau : l’éolien en mer. Ce segment autrefois stratégique voit ses perspectives reculer à cause de coûts élevés, de chaînes d’approvisionnement fragiles et de changements de politiques publiques, notamment outre-Atlantique.
👁 L’œil de l’expert
La transition énergétique mondiale fait face à un tournant décisif. Les ambitions affichées lors de la COP28 se heurtent désormais à la réalité économique et politique. Entre volatilité réglementaire, financements fragiles et hausse des coûts de production, le secteur des énergies renouvelables subit un coup d’arrêt inattendu.
Mais le ralentissement n’est pas synonyme d’échec : il traduit plutôt un changement de modèle, où les États cherchent à mieux encadrer la rentabilité et à rééquilibrer les investissements.
Comme le résume l’AIE, la réussite de la transition dépendra désormais de la stabilité des politiques publiques et de la capacité des marchés à absorber le choc économique. Sans cela, le rêve d’un monde alimenté à 100 % par des énergies propres pourrait bien rester… une utopie.