La déclaration d’Éric Lombard, ministre de l’Économie, sur France Inter a fait l’effet d’une déflagration : « La France pourrait, dans quinze jours, voir ses coûts d’emprunt dépasser ceux de l’Italie », a-t-il prévenu. Jamais l’écart de taux (« spread ») entre les deux pays n’avait été aussi faible : à seulement 0,03 point, les courbes sont proches de se croiser. Autrement dit, la signature française, longtemps considérée comme un refuge plus sûr que celle de son voisin transalpin, n’a plus l’aura d’antan. Derrière ce signal, ce sont les faiblesses structurelles de la France et les choix de rigueur de l’Italie qui s’affrontent dans le jugement impitoyable des marchés.
🇮🇹 Italie : rigueur récompensée, confiance retrouvée
L’évolution récente illustre deux trajectoires opposées. Rome, sous l’impulsion de Giorgia Meloni, a pris à bras-le-corps ses finances publiques. De près de 9 % du PIB en 2020, le déficit italien est retombé à 3,4 % en 2024, avec un objectif ambitieux de 2,6 % dès 2027. Une discipline saluée par les agences de notation : S&P a relevé la note du pays à BBB+ en avril dernier.
Ce redressement s’est appuyé sur des réformes symboliques et coûteuses politiquement : fin du superbonus pour la rénovation énergétique, révision du revenu de citoyenneté et assainissement ciblé des dépenses. Résultat : l’Italie est parvenue à dégager un excédent budgétaire primaire, performance unique parmi les pays du G7.
Ce retour en grâce se traduit sur les marchés obligataires : à 3,57 %, le rendement italien à dix ans se rapproche de celui de la France. Pour les investisseurs, Rome n’incarne plus le « maillon faible » de la zone euro, mais plutôt un pays en correction budgétaire crédible.
🇫🇷 France : finances fragilisées et signal d’alarme
Face à ce contraste, la France peine à convaincre. Le déficit public a rebondi à 5,8 % du PIB en 2024, et la dette s’élève à 3 345 milliards d’euros, soit 114 % du PIB. Plus inquiétant encore, l’instabilité politique – avec un gouvernement minoritaire incapable de rallier une majorité solide – renforce la perception d’impuissance.
Éric Lombard a tenté d’envoyer un message clair aux marchés : « 44 milliards d’économies sont nécessaires », a-t-il martelé, sans écarter, fait inédit, le recours au Fonds monétaire international (FMI). Si cette hypothèse reste hautement improbable à court terme, le simple fait de l’évoquer traduit la gravité de la situation et l’urgence d’un électrochoc budgétaire.
Cette dérive française a des conséquences immédiates. Pour les entreprises, elle implique un renchérissement progressif du crédit, pénalisant l’investissement. Pour les ménages, la menace d’un ajustement budgétaire brutal se profile : hausse d’impôts, baisse des dépenses publiques, voire réduction des services sociaux. En miroir, les agences de notation, dont Fitch, pourraient à nouveau dégrader la note de la France dès septembre.
👁️ L’œil de l’expert : une inertie honteuse
Le possible croisement entre les taux français et italiens constitue un signal fort : la France n’est plus perçue comme le pilier budgétaire sûr de la zone euro. L’Italie, malgré ses faiblesses démographiques et structurelles, a su envoyer des gages concrets aux investisseurs. Paris, en revanche, souffre d’un manque de crédibilité dans sa trajectoire de redressement.
Si la France veut éviter une spirale négative où la dette alourdit mécaniquement le coût du crédit, elle n’a désormais plus le luxe de repousser les réformes. La crédibilité financière se joue dans les mois à venir, et la sanction des marchés pourrait être rapide.