Trump, inflation et crise économique: la BCE baisse à nouveau ses taux
Sous la triple pression d’un ralentissement de l’inflation, de la faiblesse persistante de la croissance en zone euro et des tensions commerciales ravivées par Donald Trump, la Banque centrale européenne a de nouveau abaissé ses taux ce jeudi 5 juin. C’est la septième baisse consécutive et la huitième en moins d’un an. En toile de fond : des signaux macroéconomiques inquiétants, une stratégie monétaire en révision permanente, et une géopolitique commerciale de plus en plus hostile. Décryptage d’une décision à la croisée de l’économie, de la politique et des marchés.
🇺🇸 Trump relance la guerre commerciale, l'Europe en première ligne
Le climat économique européen n’a jamais semblé aussi fragile depuis la crise sanitaire. La récente montée au créneau de Donald Trump contre l’excédent commercial européen a ravivé les tensions transatlantiques. Le président américain a déjà mis ses menaces à exécution : mercredi, les droits de douane sur l’acier et l’aluminium européens ont été relevés à 50 %, provoquant une vive réaction de Bruxelles. Maros Sefcovic, commissaire européen, a dénoncé une mesure qui « complique les discussions entre les deux blocs ».
Et l’escalade pourrait ne faire que commencer. D’ici le 9 juillet, Trump doit décider de l’application d’un nouveau train de taxes ciblant les produits européens. Selon Éric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG, de telles décisions pourraient « précipiter l’Europe dans la récession » et ancrer une inflation « durablement trop faible pour la BCE ». Le risque ? Un choc externe, commercial et monétaire, qui saboterait les efforts de relance intérieure.
📊 Une inflation en repli, des taux abaissés à un niveau « neutre »
La BCE réagit donc avec pragmatisme. Le taux de dépôt est désormais fixé à 2,0 %, considéré par les économistes comme un niveau « neutre », c’est-à-dire ni restrictif ni expansionniste. Ce mouvement était largement anticipé, notamment après la publication par Eurostat d’une inflation de 1,9 % en mai dans la zone euro — sous la cible des 2 % fixée par Francfort.
Même l’inflation sous-jacente, souvent jugée plus stable car hors énergie et alimentation, ralentit à 2,3 % sur un an, contre 2,7 % en avril. Cette modération générale des prix s’accompagne d’un apaisement progressif des revendications salariales, ce qui limite les risques de spirale inflationniste.
Mais ce n’est peut-être pas la dernière étape. Jack Allen-Reynolds, analyste chez Capital Economics, anticipe déjà une possible nouvelle baisse en juillet, si la conjoncture ne montre aucun signe d’accélération.
💼 Une BCE prudente, une Fed immobile, des marchés en alerte
Alors que la BCE poursuit sa stratégie d’assouplissement, les grandes banques centrales anglo-saxonnes restent plus rigides. La Réserve fédérale américaine maintient ses taux au-dessus de 4 %, redoutant que les initiatives protectionnistes de Trump ne réveillent l’inflation intérieure. La Banque d’Angleterre suit une logique similaire.
Enfin, les marchés surveillent attentivement le gigantesque plan de relance allemand. Doté de centaines de milliards d’euros, il pourrait constituer un pivot pour la reprise européenne post-2025, et venir compenser en partie le ralentissement des échanges internationaux.
👁️ L’œil de l’expert : gérer le doute
La BCE joue une partition complexe : relancer sans surstimuler, rassurer sans relâcher la vigilance. Si elle a visiblement contenu les tensions inflationnistes, l’enjeu principal se déplace désormais vers la croissance. Entre les tensions géopolitiques et la prudence des partenaires américains, la politique monétaire européenne entre dans une nouvelle phase, celle de la gestion du doute. Dans ce contexte incertain, toute annonce devient un signal — pour les marchés, pour les ménages, et pour les États.
À propos de l'auteur
Des années d’expérience et d’expertises financières, Fabien MONVOISIN est PDG du Groupe Win’Up composé de 4 enseignes spécialisées dans le regroupement de crédits, son ambition aujourd’hui est de décrypter l’actualité économique et financière dans l’objectif d’éclairer tous les Français