Une consolidation aux allures de séisme. La maison-mère d’Iliad (propriétaire de Free) a confirmé avoir eu, en juin dernier, des « discussions très préliminaires » autour d’un possible rachat d’Altice France, détenteur de SFR. L’annonce, faite par Thomas Reynaud, directeur général d’Iliad, en marge de la présentation des résultats semestriels, nourrit l’hypothèse d’un mouvement stratégique majeur.
Derrière ces signaux, c’est toute la structure du marché télécom français qui pourrait être bouleversée : restructuration de dette, appétit féroce des concurrents, possible vente par appartements… La bataille pour SFR s’annonce décisive, autant sur le plan industriel que financier.
💰 Une méga dette qui précipite les arbitrages
La situation d’Altice France explique en grande partie cette effervescence. Plombée par une dette abyssale, la maison-mère de SFR a dû négocier un plan de sauvegarde accélérée, validé par le tribunal de commerce de Paris début août. Résultat : un allègement massif de 8 milliards d’euros, ramenant l’endettement de 24,1 à 15,5 milliards. En contrepartie, les créanciers deviennent actionnaires de près de 45 % du capital.
Ce rééquilibrage financier ouvre la porte à des cessions d’actifs stratégiques, SFR en tête. Selon les informations de BFM Business, Bouygues et Free se positionnent déjà : le premier serait prêt à récupérer les infrastructures d’antennes, tandis que Free viserait prioritairement la base clients de SFR Business. Quant aux abonnés mobile et box, ils représentent un enjeu commun, susceptible d’attiser une compétition féroce entre rivaux.
En parallèle, le réseau de fibre optique, véritable actif patrimonial, attire les convoitises de fonds d’investissement, tandis qu’Orange, leader historique, devrait rester en retrait pour éviter un déséquilibre concurrentiel.
🔄 Une redistribution des cartes à venir
L’éventualité d’un rachat ou d’une vente à la découpe de SFR n’est pas anodine : elle pourrait redessiner l’équilibre d’un marché déjà tendu par la guerre des prix et la pression réglementaire. Pour Free, intégrer une partie des clients SFR représenterait un bond stratégique lui permettant de consolider sa position face à Bouygues et d’accentuer la concurrence sur les offres convergentes (box + mobile).
Mais l’opération comporte aussi des incertitudes. Outre les contraintes financières, le dossier devra franchir l’écueil des autorités de régulation, soucieuses de préserver une pluralité d’acteurs. Comme le rappelle Thomas Reynaud :
Nous en étions à des discussions très préliminaires
laissant entendre qu’aucun accord concret n’a encore émergé. En toile de fond, la question reste la même : comment réorganiser un marché où les marges s’effritent, les investissements explosent (5G, fibre, IA dans les réseaux) et où la viabilité des modèles économiques est de plus en plus questionnée ?
👁️ L’œil de l’expert : nouvelle consolidation
La possible vente de SFR est un signal fort : les opérateurs télécoms entrent dans une nouvelle phase de consolidation où les équilibres financiers dictent les choix stratégiques. Free pourrait en sortir renforcé, mais le scénario d’une cession par morceaux ouvre la voie à un morcellement des actifs, à la faveur des concurrents et des fonds d’investissement.
Deux points méritent une vigilance particulière :
La soutenabilité financière : malgré la réduction de dette, Altice reste fragilisé, ce qui laisse présager d’autres arbitrages.
La régulation concurrentielle : l’Autorité de la concurrence aura un rôle central pour éviter un déséquilibre qui profiterait trop largement à un acteur.
En résumé, ce dossier illustre une mutation plus profonde : l’ère des télécoms low cost touche à ses limites, et la prochaine décennie pourrait être marquée par une consolidation inévitable et des alliances inédites.