La proposition de Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, de renforcer la fiscalité sur les successions rallume un débat explosif au cœur de l’automne politique. Alors que l’exécutif cherche des recettes nouvelles et que les inégalités de patrimoine s’accroissent, cette idée heurte une opinion publique déjà rétive à la pression fiscale. L’économiste Jean-Marc Daniel fustige un impôt « confiscatoire » et « impopulaire », tandis qu’à droite, Éric Ciotti dénonce une attaque contre « le fruit du travail des familles ». Derrière cette querelle idéologique se dessine une véritable bataille économique sur la transmission du capital et la place de l’épargne dans la croissance française.
⚖️ Un impôt déjà parmi les plus lourds du monde
La France détient un record peu enviable : celui du pays le plus taxé de l’OCDE en matière de succession. Selon les données rappelées par Jean-Marc Daniel, cette fiscalité représente déjà 0,7 % du PIB, un niveau sans équivalent chez nos voisins européens. Sur Franceinfo, l’économiste a dénoncé un système devenu selon lui « confiscatoire » :
On a déjà un impôt sur les successions qui est un impôt du vautour, sur la mort
a-t-il lancé, estimant qu’il pèse de manière disproportionnée sur le patrimoine familial. Pour lui, cette taxation freine la circulation du capital et pénalise la mobilité économique. Il plaide pour une réorientation vers les donations, afin de faciliter la transmission du patrimoine « avant 60 ans », période où les héritiers sont encore actifs et susceptibles de réinvestir dans l’économie réelle.
Cette approche s’inscrit dans une réflexion plus large sur le rôle du patrimoine dans la relance : dans un contexte d’endettement public élevé et de stagnation de l’investissement privé, les économistes redoutent qu’un durcissement fiscal décourage l’épargne nationale, déjà fragilisée par la hausse des taux.
💥 Une bataille politique et symbolique
L’idée de Yaël Braun-Pivet n’a pas seulement suscité l’ire des économistes : elle a provoqué une levée de boucliers dans les rangs politiques. Le président de l’Union des droites pour la République, Éric Ciotti, a accusé la cheffe du perchoir de s’en prendre au mérite et au travail :
Madame Braun-Pivet veut s’attaquer aux successions, à l’héritage, comme si le travail de toute une vie tombait du ciel
a-t-il martelé sur TF1.
Cette opposition frontale illustre un clivage ancien entre deux visions de la fiscalité : redistribution contre valorisation du mérite. La présidente de l’Assemblée avait justifié sa position sur France 2 en dénonçant les héritages « en rebond », ces transmissions répétées de génération en génération qui, selon elle, « perpétuent les inégalités ».
Au-delà du symbole, cette proposition interroge la capacité de la France à financer son modèle social sans freiner la croissance. Alors que le budget 2026 s’annonce tendu et que les marges de manœuvre se réduisent, le gouvernement cherche à concilier justice fiscale et attractivité économique — un exercice d’équilibriste que même les pays nordiques peinent à maîtriser.
👁️ L’œil de l’expert
Pour les fiscalistes, la France s’approche du point de saturation fiscale sur le patrimoine. « Une hausse de l’impôt sur les successions pourrait provoquer un exode discret des capitaux et une moindre consommation des ménages », analyse Sophie de Boissieu, professeure d’économie à Dauphine.
Les données le confirment : déjà 7 % des ménages aisés envisagent un départ fiscal selon l’Institut Sapiens. Dans un contexte de ralentissement économique et de hausse des dépenses publiques, la tentation d’un impôt symbolique pourrait à terme affaiblir la compétitivité et l’investissement domestique.
La réforme de l’héritage apparaît ainsi comme le miroir des contradictions françaises : entre quête d’équité et besoin de croissance, le débat promet de rester brûlant.





