Face à une dette publique hors de contrôle, le gouvernement serre la vis. Le Premier ministre François Bayrou veut supprimer l’abattement de 10 % pour frais professionnels des retraités et le remplacer par un forfait fixe. Objectif : rationaliser la dépense fiscale et recentrer l’effort sur les petites pensions. Une réforme qui pourrait bouleverser l’équilibre fiscal de millions de foyers.
Fin d’un privilège fiscal conséquent
Un coût de 4,5 milliards d’euros par an pour les caisses publiques
La décision annoncée le 15 juillet par François Bayrou vise à éliminer l’un des dispositifs fiscaux les plus coûteux de l’arsenal fiscal destiné aux particuliers : l’abattement de 10 % appliqué aux pensions de retraite pour frais professionnels. Bien qu’il soit historiquement justifié par analogie avec les actifs, cet avantage fiscal, encore appliqué automatiquement aux retraités, n’a aujourd’hui aucune base professionnelle réelle.
Selon la Cour des comptes, cette niche représentait en 2023 un manque à gagner de 4,494 milliards d’euros pour l’État — un montant colossal, juste derrière le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile (5,9 milliards). Plafonné à 4.399 euros par foyer fiscal, cet abattement profite mécaniquement davantage aux pensions élevées. D’où la critique exprimée par le chef du gouvernement :
On peut vérifier que les avantages pour frais professionnels ne sont pas justifiés
Cette réforme s’inscrit dans le cadre d’une stratégie budgétaire visant à réduire de 43,8 milliards d’euros les dépenses publiques d’ici 2026. L’objectif, martèle Bayrou, est de « faire la chasse aux niches fiscales inutiles, inefficaces » et d’en finir avec les privilèges qui profitent aux catégories les mieux loties.
⚖️ Une réforme progressive, mais à double vitesse
Un forfait fixe pour lisser les inégalités entre retraités
Pour éviter de fragiliser les retraités modestes — déjà impactés par le gel des pensions prévu pour 2026 — le gouvernement ne supprimera pas purement et simplement l’avantage actuel. À la place, un forfait annuel, dont le montant n’a pas encore été défini, sera mis en place.
Ce ne sera plus un pourcentage, mais un montant fixe
a précisé François Bayrou, promettant qu’il « avantage les petites retraites » tout en « garantissant un pouvoir d’achat inchangé aux retraites moyennes ».
En clair, le gouvernement entend cibler l’aide fiscale en fonction des revenus :
- Les retraités les plus modestes continueront de bénéficier d’un soutien.
- Les pensions intermédiaires ne verront pas de perte de pouvoir d’achat.
- Les retraités aisés verront leur avantage fiscal réduit, voire supprimé.
Cette réforme introduit donc une différenciation fiscale assumée, loin de la logique uniforme de l’abattement en pourcentage. Elle permettra de remettre dans le droit commun les retraites les plus importantes, selon l’expression du Premier ministre, tout en poursuivant l’objectif de justice budgétaire.
L’œil de l’expert
Sur le plan budgétaire, cette mesure marque un tournant dans l’approche des aides fiscales : la logique d’universalité cède la place à une logique de ciblage. Cette réforme technique, mais aux implications économiques majeures, pourrait bien redessiner le paysage fiscal des retraités français. Elle envoie également un signal clair : l’État entend réduire les dépenses fiscales coûteuses sans impact avéré sur l’économie.
Mais attention à l’effet domino. La suppression ou la transformation de niches fiscales — aussi rationnelle soit-elle — peut générer un ressenti d’injustice ou une perte de confiance, notamment chez les classes moyennes supérieures, déjà mises à contribution dans d’autres volets du budget.