Une prise de parole sous haute tension : À un moment charnière de son second quinquennat, Emmanuel Macron s’apprête à renouer le contact direct avec les Français dans un format inédit : une émission de 2h30 en prime time sur TF1, diffusée mardi 13 mai. Objectif affiché : répondre aux grandes inquiétudes citoyennes, réaffirmer son leadership intérieur et international, mais aussi préparer les esprits à l’éventualité d’un référendum, une arme institutionnelle redoutable, inutilisée depuis deux décennies. Ce moment médiatique intense intervient après une séquence politique chaotique, où le président entend montrer qu’il a repris la main et que son rôle reste central, malgré les turbulences et un Premier ministre affaibli.
Entre défis de politique intérieure et ambitions internationales
À trois ans de la fin de son mandat, Emmanuel Macron se repositionne en chef d’orchestre des grands enjeux nationaux et européens. Il sera interrogé par une diversité d’acteurs : journalistes, influenceurs, élus locaux, syndicalistes et représentants de la société civile, lors de l’émission intitulée « Emmanuel Macron – Les défis de la France ». L’objectif : conjuguer bilan, perspectives et dialogue démocratique, dans un contexte où l’exécutif ne dispose plus de majorité à l’Assemblée nationale.
La date n’est pas anodine. À peine rentré de Kiev, où il a affirmé sa solidarité avec l’Ukraine aux côtés des dirigeants européens, le président entend capitaliser sur ce positionnement international pour relancer son crédit politique intérieur. D’après l’un de ses proches, interrogé par Le Parisien, « il faut être agile et réactif, surtout en période de tensions géopolitiques majeures« .
Mais c’est surtout l’éventualité d’un référendum multi-thèmes qui intrigue observateurs et commentateurs. Selon Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste, « le référendum devient une solution de substitution au Parlement, lorsque celui-ci est dysfonctionnel ». Une approche qui pourrait permettre à Emmanuel Macron d’imposer ses priorités sans passer par un hémicycle devenu imprévisible.
Parmi les sujets évoqués pour cette possible consultation populaire : immigration, fin de vie, réforme territoriale, fiscalité sur l’héritage, port du voile, ou encore temps d’écran des enfants. Le président envisagerait même plusieurs questions lors d’un seul scrutin, afin de réduire la charge émotionnelle de chaque thème. Une initiative sans précédent depuis 2005, année du référendum sur la Constitution européenne.
Une opération reconquête aux contours stratégiques
L’émission servira aussi à défendre un bilan largement critiqué. Les réformes des retraites, la situation économique ou encore les politiques sociales seront passées au crible par des intervenants issus de tous horizons. Citons notamment Sophie Binet (CGT) sur les retraites, Tibo InShape sur le sport à l’école, Charles Biétry, atteint de la maladie de Charcot, sur la fin de vie, ou encore Cécile Duflot (Oxfam) sur la taxation de l’héritage. La journaliste Salomé Saqué, engagée sur l’écologie, et le maire de Béziers Robert Ménard, sur la sécurité, interviendront également.
En toile de fond, un chiffre marquant : 83 % des Français se disent favorables à l’organisation d’un référendum, selon un sondage Elabe pour BFMTV. Les thèmes prioritaires ? L’économie, l’immigration et les retraites. Autant de sujets sensibles sur lesquels le président espère rebattre les cartes, dans une logique de reconquête politique, après une séquence d’impopularité liée à la dissolution manquée.
L’environnement institutionnel joue aussi un rôle : l’article 11 de la Constitution permet de soumettre au vote populaire des projets de loi sur l’organisation des pouvoirs publics, les réformes économiques, sociales ou environnementales, ainsi que certains traités. Un cadre légal strict, mais qui laisse de la latitude pour une initiative bien calibrée.
️ L’œil de l’expert : un tournant présidentiel sous pression populaire
Avec cette émission, Emmanuel Macron tente un pari risqué mais nécessaire : recréer un lien direct avec les citoyens, dans un format télévisé conçu comme un moment d’écoute et d’autorité. L’éventualité du référendum, souvent brandie depuis 2017 mais jamais concrétisée, pourrait cette fois devenir un levier central de sa gouvernance. « Il reprend du souffle et prend des risques. C’est un homme de défis« , glisse une ministre, résumant bien l’attitude présidentielle face à une opinion volatile. Mais l’opération est double tranchant. Si elle échoue à convaincre, elle pourrait renforcer l’image d’un pouvoir isolé, jouant ses dernières cartes. Si elle réussit, elle marquera le début d’un nouveau tempo politique, plaçant Emmanuel Macron dans une posture offensive jusqu’à la fin de son mandat.
