Ils dénoncent l’impact environnemental du transport aérien, militent pour un monde plus durable… et pourtant, ils n’ont jamais autant volé. D’après une enquête menée par l’Ifop et le cabinet Sia Partners pour la Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers, les jeunes Français multiplient les voyages en avion, malgré un discours résolument critique à l’égard du secteur.
Entre conscience écologique et réalité des usages, le fossé se creuse, au point que les moins de 35 ans, bien que représentant un quart de la population, concentrent désormais près de la moitié du trafic aérien en France. Une contradiction saisissante qui dit beaucoup sur la manière dont la génération climat compose avec un monde toujours plus mobile.
Des intentions vertes, des ailes bien pleines
C’est une réalité statistique difficile à ignorer : 46 % des passagers aériens français en 2024 avaient moins de 35 ans, selon l’étude Ifop-Sia. En 2016, ils n’étaient que 38 %. La hausse est encore plus marquée chez les 15-24 ans, passés de 13 % à 19 % des passagers sur la même période.
Ce chiffre interpelle, d’autant que cette tranche d’âge est aussi la plus critique vis-à-vis du transport aérien. Un tiers des jeunes interrogés se déclarent sensibles aux reproches formulés à l’égard de ce mode de déplacement.
Ils sont nombreux à déclarer préférer des alternatives comme le train, plus respectueuses de l’environnement
souligne l’Ifop. Et pourtant, les faits contredisent les intentions
Pourquoi ce grand écart ? Pour 57 % des répondants, l’explication est simple : l’avion est parfois la seule option pour rallier certaines destinations. La démocratisation des vols low-cost et l’envie d’évasion lointaine pèsent lourd dans la balance. Le train reste un idéal… sauf quand il ne mène pas assez loin.
Un usage intensif, mais des efforts en vue
Les jeunes ne sont pas pour autant insensibles aux enjeux climatiques. Selon le sondage, 79 % d’entre eux souhaitent réserver l’avion aux longues distances, tandis que 75 % privilégient les compagnies aériennes engagées dans la transition écologique. D’autres signaux montrent une volonté de réduire leur empreinte carbone : 69 % acceptent de voyager plus léger, et 63 % se disent même prêts à renoncer à certains voyages de loisir.
Ce pragmatisme s’accompagne d’un certain optimisme. 70 % des Français interrogés estiment que le secteur aérien peut réduire son impact environnemental, notamment via l’arrivée d’avions plus économes et l’essor des carburants d’aviation durables (SAF).
À l’échelle nationale, seuls 20 % des trajets en avion concernent des vols domestiques, preuve que le principal moteur reste l’accès à des destinations internationales – où le ferroviaire ne peut pas encore rivaliser.
L’œil de l’expert : lucidité générationnelle ou hypocrisie organisée ?
Ce paradoxe des jeunes face à l’avion n’est pas une simple incohérence : il révèle la complexité des arbitrages individuels face à l’urgence écologique. La critique du transport aérien est bien réelle, mais elle se heurte à un monde interconnecté, où la mobilité est à la fois une norme sociale et une aspiration personnelle.
Plutôt que de juger ce décalage, il faut y lire une demande implicite d’options plus responsables, que ce soit par le développement des trains à grande vitesse à l’international, l’investissement dans l’aviation décarbonée, ou encore la réduction des incitations aux vols ultra bon marché.
À l’heure où les comportements sont scrutés à la loupe, les jeunes ne renient pas leurs idéaux – ils attendent simplement que les infrastructures leur permettent de les respecter.
