Accueil Nos bons vieux restaurants vont mal : entre crise structurelle et mutations profondes

Nos bons vieux restaurants vont mal : entre crise structurelle et mutations profondes

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La restauration traditionnelle française, pilier de la culture gastronomique hexagonale, traverse une période de turbulences sans précédent. Face à l’essor du snacking, aux mutations des modes de consommation, à la hausse des coûts des matières premières et à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée, le secteur se trouve à un carrefour stratégique. Cet article nous propose une analyse approfondie des défis actuels, en s’appuyant sur des données récentes, des témoignages d’acteurs du secteur et des perspectives de notre expert.​

L’essor du snacking et la redéfinition des habitudes alimentaires

Le snacking, ou consommation de repas rapides et informels, connaît une croissance exponentielle en France. Selon une étude de Roland Berger, la crise sanitaire a accéléré la remise en cause de la restauration traditionnelle à table, avec une diminution significative du marché par mode de consommation entre 2010 et 2019. Les consommateurs, notamment les jeunes générations, privilégient désormais des options plus flexibles et abordables, souvent disponibles en périphérie urbaine ou via des plateformes de livraison.​

Par ailleurs, le télétravail, devenu la norme pour une partie significative de la population, modifie les rythmes de consommation. Les salariés, travaillant depuis leur domicile, optent davantage pour des repas pris sur le pouce, souvent à des horaires décalés, réduisant ainsi la fréquentation des restaurants traditionnels.​

La hausse des coûts : une pression insoutenable pour les restaurateurs

Et pour compliquer davantage la situation, les restaurateurs français sont confrontés à une flambée des prix des matières premières et de l’énergie. Par exemple, le prix du beurre a augmenté de 19 % en Europe, impactant directement les coûts de production des pâtisseries et autres produits laitiers . De plus, l’inflation des prix des services et de l’énergie a atteint 2,5 % et 1,6 % respectivement en janvier 2025, exerçant une pression supplémentaire sur les marges des établissements .

Cette situation a conduit à une augmentation des prix des menus. Cependant, les clients, confrontés à des hausses tarifaires successives, expriment leur mécontentement. Certains établissements, tels que les brasseries et les restaurants du midi, sont particulièrement touchés, tandis que les restaurants gastronomiques et les fast-foods semblent mieux résister à la crise 

La pénurie de main-d’œuvre : un secteur en quête de bras

La restauration traditionnelle souffre d’une pénurie chronique de personnel. Selon des données de la DARES, le secteur a perdu 237 000 emplois entre 2020 et 2021, en grande partie en raison de la crise sanitaire et des conditions de travail difficiles . Les restaurateurs peinent à attirer de nouveaux talents, notamment en raison de salaires peu compétitifs et d’horaires contraignants.​

Cette situation a conduit certains établissements à revoir leurs méthodes de recrutement, en offrant un meilleur onboarding, de la formation, des solutions de logement (surtout pour les emplois saisonniers) et en assouplissant les critères d’embauche. Cependant, malgré ces efforts, le secteur reste confronté à un déficit de main-d’œuvre qualifiée.​

Le déclin des centres-villes : une clientèle qui fuit vers la périphérie

Les centres-villes français connaissent un exode progressif de leurs habitants, poussés par la recherche de logements plus abordables et d’un cadre de vie plus calme en périphérie. Cette tendance a un impact direct sur la fréquentation des restaurants traditionnels situés en centre-ville, qui voient leur clientèle se réduire.​

Parallèlement, la périphérie urbaine, offrant des espaces de stationnement plus accessibles et des loyers commerciaux moins élevés, devient un terrain de choix pour les établissements de restauration rapide et les franchises, au détriment des restaurants traditionnels.​

L’œil de l’expert: quel avenir pour la filière?

Face à ces défis, plusieurs pistes peuvent être envisagées pour redynamiser la restauration traditionnelle :​ certains professionnels de la restauration adaptent leurs cartes, en proposant des “menus crise” à moins de 10 euros, ou en diversifiant leur offre (plusieurs restaurants avec des thématiques et des positionnement clients différents). Les orientations vers des offres végétariennes ou exclusivement bio sont d’autres pistes. Le “à emporter” fleurit également dans de plus en plus de restaurants, venant concurrencer les chaines de fastfood et de snacking très consommatrices de ce type de service. La Digitalisation est aussi un créneau de contre-attaque (investissements en hausse dans des outils numériques pour faciliter la commande en ligne, la livraison à domicile et la gestion des réservations).​ Bien sûr, ce secteur doit prendre en compte les aspirations des travailleurs d’aujourd’hui, et investir toujours plus dans la Formation et la valorisation des métiers, en mettant en place des programmes de formation attractifs et en revalorisant les carrières dans la restauration pour attirer de nouveaux talents.​ Les enjeux sont de taille, pour un secteur clé de l’économie française, qui est aussi un des porte-drapeaux de la culture à la française.

Written by
Vanessa Vallée

Responsable du développement commercial au sein du Groupe Win'Up, Vanessa accompagne des entrepreneurs dans leur projet de création et participe au développement de la notoriété des enseignes du groupe. Sensible aux sujets économiques et financiers, Vanessa partage son avis sur les actualités.

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