Le Sud redresse la tête, le Nord trébuche : c’est un retournement de situation qui bouscule les équilibres traditionnels de l’Union européenne. L’Italie vient de rattraper la France en matière de PIB par habitant à parité de pouvoir d’achat, selon les toutes dernières prévisions de printemps publiées par la Commission européenne. Et ce n’est pas tout : Rome réduit également de moitié l’écart qui la séparait jusqu’ici de l’Allemagne. En toile de fond, une dynamique économique vigoureuse, un rebond post-Covid impressionnant, et une démographie en berne qui, paradoxalement, dope les indicateurs par habitant. Ce renouveau italien, salué à Rome comme un succès politique par Giorgia Meloni, redessine la carte des puissances économiques européennes.
L’Italie, championne de la reprise économique post-Covid
Alors que les grandes économies européennes du Nord peinent à retrouver leur rythme de croisière, l’Italie s’impose comme un modèle de résilience. En comparant les niveaux de PIB entre 2019 et 2022, l’écart est saisissant : +3,9 % pour l’Italie, contre seulement +1,5 % en France, et +0,8 % en Allemagne. Cette performance reflète un redressement éclair, porté notamment par un usage habile des leviers européens.
L’un des moteurs majeurs de ce regain est en effet le plan de relance européen, dont Rome a su tirer pleinement profit. Grâce à cette manne, des réformes structurelles ont été accélérées et des investissements massifs ont été injectés dans les infrastructures, l’innovation ou encore la transition énergétique.
En Italie, ce rebond n’est pas seulement économique, il est aussi politique. Pour Giorgia Meloni, c’est une victoire symbolique. Car dans un pays longtemps perçu comme l’homme malade de l’Europe, ces résultats valident une ligne économique rigoureuse, combinée à un pragmatisme assumé vis-à-vis de Bruxelles. « La croissance est solide, et les réformes portent leurs fruits », résume-t-on dans l’entourage de la cheffe du gouvernement italien.
Quand la démographie joue en faveur du PIB par habitant
Mais ce retour au premier plan tient aussi à une autre réalité plus silencieuse : le déclin démographique italien. En cinq ans, le pays a perdu plus de 700 000 habitants, faisant passer sa population sous le seuil symbolique des 60 millions. Un phénomène qui, mathématiquement, augmente la richesse moyenne par individu, même si la richesse globale ne croît pas aussi fortement.
Ce facteur démographique est central pour comprendre les nouveaux équilibres européens. En parallèle, la France reste pénalisée par une croissance atone et un déficit public qui se creuse, tandis que l’Allemagne peine à sortir d’une double récession, piégée entre affaiblissement industriel et dépendance énergétique.
Cette recomposition économique met en lumière un phénomène plus large : le retour des pays du Sud sur le devant de la scène. Avec l’Espagne également en nette reprise, la dynamique européenne est en train de basculer. Là où le Nord semblait jusqu’ici indétrônable, le Sud gagne en compétitivité, en crédibilité et en performance.
L’œil de l’expert : l’Europe à l’heure du rééquilibrage géoéconomique
Ce que révèle cette avancée italienne, c’est la capacité des États à transformer une crise en opportunité. Là où l’Italie a capitalisé sur les aides européennes et rationalisé sa trajectoire économique, la France et l’Allemagne semblent engluées dans des rigidités structurelles, manquant d’agilité face aux défis post-pandémiques.
Le chiffre du PIB par habitant est révélateur, mais il ne dit pas tout. Il masque souvent des inégalités internes profondes, notamment régionales. Toutefois, il reste un indicateur-clé pour mesurer la capacité d’un pays à enrichir ses citoyens — et dans ce domaine, l’Italie vient d’opérer un retour fracassant.
À l’avenir, cette dynamique pourrait renforcer le poids politique du Sud dans les arbitrages européens, à condition de pérenniser cette croissance sans creuser les déséquilibres sociaux et budgétaires.
