En 2024, le revenu moyen des salariés du secteur privé a progressé, mais les écarts restent flagrants entre catégories sociales, secteurs et genres. D’après la dernière étude de l’Insee, publiée fin octobre 2025, le salaire net moyen atteint 2 733 euros par mois en équivalent temps plein (EQTP). Si la désinflation a permis un timide regain du pouvoir d’achat, la photographie sociale du pays révèle encore une France du travail profondément segmentée. Derrière la moyenne se cachent des réalités contrastées : un salarié sur dix perçoit moins de 1 492 euros, tandis qu’à l’autre bout de l’échelle, le 1 % le mieux payé dépasse les 10 000 euros mensuels.
⚙️ Des écarts sectoriels et sociaux qui se creusent
L’économie française reste marquée par une hiérarchie salariale très structurée selon les métiers et les branches. Dans l’hébergement-restauration, le salaire net moyen plafonne à 1 979 euros, soit presque deux fois moins que dans les services financiers, où il atteint 4 123 euros, selon l’Insee. Les écarts sont tout aussi notables entre la construction (2 411 euros), l’industrie (3 021 euros) ou encore l’information-communication (3 853 euros), des secteurs où les compétences techniques et la valeur ajoutée sont mieux rémunérées.
Les différences se retrouvent également dans la classification socioprofessionnelle. Les cadres dominent la distribution avec un revenu net mensuel moyen de 4 629 euros, loin devant les professions intermédiaires (2 633 euros), les ouvriers (2 051 euros) et les employés (1 941 euros).
Mais au-delà de ces chiffres, une donnée interpelle : la concentration croissante des hauts revenus. D’après l’institut public, 1 % des salariés du privé perçoivent plus de 10 261 euros par mois, soit 7,3 fois le SMIC, tandis que la moitié des salariés gagnent moins de 2 300 euros. Ce fossé alimente le sentiment d’un marché du travail à deux vitesses — celui d’une économie numérique et financiarisée qui tire les salaires vers le haut, et celui des emplois de service, pénibles et sous-valorisés.
Pour l’économiste Anne-Julie Lefèvre, spécialiste des inégalités salariales, « la structure des rémunérations françaises reste dominée par des secteurs à forte intensité de capital et des emplois qualifiés. Les politiques de revalorisation, même ciblées, ne suffisent pas à compenser le décrochage entre les catégories sociales ».
👩💼 Femmes, inflation et pouvoir d’achat
Si l’année 2024 marque un retour à une croissance réelle du salaire net moyen de +0,8 % en euros constants, après une contraction de –1 % en 2023, cette embellie demeure fragile. L’inflation, tombée à +2 %, a offert un répit, mais sans gommer les fractures salariales.
L’écart de rémunération entre les sexes, par exemple, reste un marqueur fort. En moyenne, les femmes gagnent 13 % de moins que les hommes, avec 2 514 euros nets par mois contre 2 891 euros pour leurs homologues masculins. L’Insee observe que cet écart s’est certes réduit de 5 points en dix ans, mais souligne que les femmes demeurent sous-représentées dans les plus hauts salaires : elles ne constituent que 24 % du top 1 % des revenus, contre 42 % de l’ensemble des salariés.
Ce déséquilibre illustre une tendance structurelle : l’inégalité d’accès aux postes à haute responsabilité et aux primes de performance. Les secteurs les mieux rémunérés — finance, technologie, communication — restent majoritairement masculins.
Sur le plan macroéconomique, la modération de l’inflation a permis une progression homogène des salaires : +0,9 % pour les plus bas revenus (1er décile) et +0,7 % pour les plus hauts (9e décile). Une inversion de tendance par rapport à 2022-2023, où les revalorisations automatiques du SMIC avaient préservé les plus modestes, tandis que les cadres voyaient leur pouvoir d’achat érodé.
👁️ L’œil de l’expert : une reprise à consolider
Derrière les chiffres encourageants, la progression des salaires en 2024 s’apparente davantage à une stabilisation après la tempête inflationniste qu’à un véritable redémarrage. La croissance des revenus reste inférieure à celle de la productivité dans plusieurs secteurs, ce qui interroge sur la pérennité du modèle de rémunération français.
L’enjeu pour 2025 sera double : garantir une meilleure redistribution des gains salariaux et corriger les inégalités persistantes de genre et de statut. À défaut, le risque est grand de voir se creuser un fossé durable entre les gagnants de la transition numérique et les travailleurs précaires des secteurs traditionnels.
Comme le résume l’Insee, « la France a stabilisé le pouvoir d’achat de ses salariés, mais pas encore rééquilibré la structure de ses salaires ». En d’autres termes, la moyenne progresse, mais les fractures demeurent.
 
                                                                                                                                                 
                                                                                                     
                             
                                




 
 
			        
 
 
			        
 
 
			         
 
			        