La seconde main séduit de plus en plus de Français, portée par des motivations à la fois économiques et écologiques. Devenue une véritable tendance de consommation, elle représente aujourd’hui un marché estimé à plus de 7 milliards d’euros en France, en croissance annuelle d’environ 15 %. Cependant, certains revendeurs achètent des vêtements neufs à bas prix sur des sites d’ultra fast fashion et les revendent plus cher, en masquant leur origine et leur état grâce à des images générées par IA. Une pratique qui détourne l’esprit de la revente responsable et érode progressivement la confiance des acheteurs.
👗 Shein, Temu, AliExpress inondent les plateformes d’occasion
De plus en plus de d’utilisateurs achètent des vêtements neufs bon marché sur des plateformes chinoises comme Shein, AliExpress ou Temu, pour les revendre sur les sites de seconde main. La pratique, souvent difficile à repérer, consiste à faire passer ces articles pour des vêtements déjà portés ou à peine utilisés. Pour appuyer leur mise en scène, certains vont jusqu’à utiliser des images générées par IA ou reprendre les visuels des marques originales, masquant l’étiquette ou floutant les détails révélateurs.
💸 Acheter 5 €, revendre 30 €
L’ultra fast fashion représente une part notable du marché de la seconde main en France. Selon une étude menée par l’ADEME en 2023, environ 13 % des consommateurs d’occasion achètent régulièrement des articles issus de l’ultra-fast fashion, tandis que près de 40 % achètent des vêtements provenant de la fast fashion en général. Sur des plateformes populaires comme Vinted, ces articles d’origine ultra fast fashion peuvent constituer jusqu’à 20-25 % des vêtements proposés à la vente. Selon Le Monde, les marges des revendeurs sont importantes. Ils achètent souvent ces vêtements à des prix très bas (souvent entre 5 et 10 €), puis les revendent sur les plateformes de seconde main à des prix deux à trois fois supérieurs, atteignant parfois 20 à 30 €. Cette pratique génère donc des marges allant de 100 % à 200 %, voire plus.
Éric Picard, économiste spécialiste des marchés numériques, annonce :
Ces marges exorbitantes sur des articles bon marché ne profitent qu’à une poignée d’acteurs et creusent les inégalités entre vendeurs et acheteurs.
⚠ Les dérives qui menacent la seconde main
La multiplication de ces pratiques fragilise tout le secteur de la seconde main. Pour les plateformes comme Vinted, c’est la confiance des utilisateurs qui est en jeu. Le marché se retrouve inondé de produits de piètre qualité, souvent peu durables, parfois non conformes aux normes européennes.
Le phénomène alimente aussi indirectement le marché de la contrefaçon. Une étude de Novagraaf révèle que 55 % des acheteurs de luxe de seconde main ont déjà été victimes de contrefaçon.
Isabelle Delannoy, experte en économie circulaire déclare :
La seconde main doit être un levier pour réduire notre impact environnemental, pas un nouveau canal pour la surconsommation déguisée.
📝 Réglementer pour protéger l’économie circulaire
Cependant, plusieurs pistes sont envisagées pour renforcer le cadre légal et protéger l’économie circulaire :
- Responsabiliser les plateformes : Le Digital Services Act (DSA), entré en vigueur au sein de l’Union européenne, impose désormais aux plateformes numériques de retirer un contenu illicite dans un délai de 48 heures après signalement. Ce texte pourrait servir de base à des mesures plus strictes, notamment en matière de vérification de l’identité et de l’activité des vendeurs.
- Légiférer sur la transparence : Aujourd’hui encore, la directive e-commerce limite la responsabilité juridique des plateformes de vente en ligne.
- Renforcer les sanctions : En France, la vente de contrefaçons est déjà passible de 300 000 euros d’amende et de trois ans de prison. À l’avenir, ces peines pourraient être é
- Mieux informer les consommateurs : Des campagnes de sensibilisation pourraient être mises en place pour aider les acheteurs à repérer les fausses annonces ou les articles neufs déguisés en vêtements d’occasion.
👁 L’œil de l’expert : la fast fashion qui menace la seconde main
Alors que l’économie circulaire représente une solution concrète face à la surconsommation et à la crise environnementale, l’apparition de pratiques frauduleuses sur les plateformes de seconde main en compromet l’efficacité. Entre vêtements neufs déguisés, marges abusives et contournement des normes, c’est tout un modèle éthique qui se trouve menacé. Face à ce constat, la régulation, la vigilance des plateformes et l’éducation des consommateurs apparaissent comme les leviers indispensables pour préserver un marché de l’occasion réellement vertueux.