La réduction du télétravail au sein de la Société Générale s’impose comme un véritable casus belli entre la direction et ses équipes. La décision de limiter cette pratique à un seul jour par semaine, contre deux auparavant, a déclenché une série de grèves et de rassemblements. Derrière ce bras de fer social se cache bien plus qu’une simple question d’organisation : c’est toute la relation entre performance économique, conditions de travail et stratégie de compétitivité qui est en jeu.
📉 Un choix à forte portée économique
Le 27 juin, un premier mouvement de grève avait déjà mis en lumière la colère des salariés face à ce que beaucoup considèrent comme un “plan social déguisé”. Trois mois plus tard, la tension ne retombe pas : l’intersyndicale (CFTC, CGT et CFDT) a de nouveau mobilisé ses troupes devant le siège de la banque à La Défense.
Jean-Benoît Robitaillie, délégué syndical national de la CFTC, dénonce une décision rigide :
Nous demandons à la direction de revenir sur le principe strict d’un jour de télétravail par semaine et de rouvrir des négociations.
Du côté de la direction, le PDG Slawomir Krupa justifie cette orientation par une harmonisation internationale et par la recherche d’une hausse de productivité. Une logique économique assumée, mais qui provoque des remous sociaux dans un contexte où les banques cherchent à réduire leurs coûts de fonctionnement tout en améliorant leurs marges dans un environnement de taux volatils.
Pour les salariés, le ressenti est amer. Une employée interrogée déplore la méfiance de la hiérarchie :
On a tous tenu le bateau pendant le Covid, et aujourd’hui on nous soupçonne de ne rien faire en télétravail.
Une défiance qui illustre l’écart croissant entre la stratégie financière de l’entreprise et le vécu quotidien de ses collaborateurs.
⚠️ Relations sociales dégradées
Depuis l’arrivée de Slawomir Krupa, la contestation enfle. Plusieurs salariés soulignent une détérioration nette du climat social, avec des départs importants, notamment parmi les jeunes talents. Les syndicats, eux, n’hésitent plus à qualifier la méthode de la direction de brutale : dans un tract, la CGT accuse la banque de « continuer d’avancer avec brutalité et violence ».
Les slogans des manifestants – « consultation bidon, colère béton » ou encore « Slawopire » – témoignent de la fracture qui s’installe entre management et équipes. Une fracture qui pourrait, à terme, peser sur la capacité d’attraction et de rétention des compétences dans un secteur bancaire déjà fortement concurrentiel.
À cela s’ajoutent les inquiétudes sur les conditions futures en cas de restructuration. En toile de fond, les syndicats redoutent que la réduction du télétravail ne soit qu’une étape vers une transformation plus large du modèle social de l’entreprise, liée à ses impératifs financiers.
Les grèves se multiplient depuis janvier, avec de nouveaux appels prévus en novembre. Entre-temps, des discussions doivent s’ouvrir avec la direction générale. Mais dans un secteur où la confiance interne est essentielle à la performance, ce climat conflictuel pourrait s’avérer coûteux, tant en perte de productivité qu’en image auprès des investisseurs et clients.
👁️ L’œil de l’expert : le bon calcul ?
La décision de la Société Générale illustre la tension permanente entre exigence de rentabilité et qualité du climat social. Si le télétravail représente pour la direction un levier d’harmonisation et de contrôle, il est perçu par les salariés comme un acquis social et un facteur de motivation. Dans un contexte de digitalisation accrue des services bancaires et de pression sur les marges, la banque doit arbitrer entre rigueur économique et engagement de ses équipes.
Or, négliger l’un au profit de l’autre pourrait, à terme, coûter plus cher que les économies réalisées.
