Le lancement fulgurant de la Switch 2 propulse Nintendo dans une nouvelle ère de croissance. Avec un chiffre d’affaires qui double au premier trimestre 2025, la firme de Kyoto affiche une santé économique éclatante. Mais si le succès de sa nouvelle console semble assuré, les marges, les exclusivités encore timides et les menaces douanières aux États-Unis pourraient freiner ses ambitions. Décryptage d’une stratégie maîtrisée mais encore sous tension.
🚀 Explosion des ventes, revenus au zénith
En écoulant 5,82 millions de Switch 2 dès son premier mois, Nintendo réalise un démarrage historique.
Les chiffres du monde entier montrent qu’il y avait une demande sous-jacente sans précédent
analyse Serkan Toto, expert du cabinet Kantan Games, auprès de l’AFP. Selon lui, « ce record pourrait ne plus jamais être battu par une autre console ».
Conséquence directe : le chiffre d’affaires trimestriel de Nintendo a plus que doublé par rapport à l’an passé, alors que le résultat net grimpe de 18,6 %, atteignant 96 milliards de yens (soit 558 millions d’euros). Côté exploitation, le résultat opérationnel affiche une hausse de 4,4 %, démontrant une maîtrise des coûts malgré l’effet de levier massif des ventes de matériel.
Pourtant, la firme n’a pas modifié ses prévisions annuelles, tablant toujours sur 15 millions de Switch 2 vendues d’ici mars 2026, un chiffre jugé prudent par les analystes de JPMorgan, qui estiment le potentiel réel à 23,5 millions d’unités. La réputation de la Switch 1, écoulée à plus de 153 millions d’exemplaires depuis 2017, offre à sa remplaçante un effet de halo non négligeable.
🕹️ Peu d’exclusivités, mais des marges solides
Malgré le succès commercial fulgurant, les jeux exclusifs manquent encore à l’appel, une faiblesse stratégique soulignée par Yasuo Nakane, analyste chez Mizuho :
Le calendrier de Nintendo pour des titres inédits reste encore relativement vide.
À ce jour, seuls « Mario Kart World » et « Donkey Kong Bananza », ce dernier salué par la critique avec une note de 91/100 sur Metacritic, tirent les ventes vers le haut. Mais de grosses licences sont attendues dans les mois à venir, notamment « Légendes Pokémon Z-A » (octobre) et « Metroid Prime 4 : Beyond ». Ces titres pourraient être décisifs pour élargir la base d’utilisateurs au-delà des premiers adopteurs.
Mais l’essentiel est ailleurs : la marge opérationnelle de Nintendo reste bien plus élevée sur les jeux que sur les consoles, comme le rappelle Nathan Baidu de Bloomberg Intelligence. En d’autres termes, le vrai levier de rentabilité est à venir, lorsque le catalogue ludique se densifiera et que les revenus récurrents issus des jeux prendront le relais des ventes de hardware.
⚠️ Trump : un nuage sur le ciel bleu de Kyoto
Dans ce tableau largement positif, un risque géopolitique majeur plane : la taxe de 20 % sur les importations américaines depuis le Vietnam, imposée par l’administration Trump. Or, une partie des Switch 2 vendues aux États-Unis est justement assemblée dans ce pays asiatique.
Nintendo, selon Junko Yamamura de JPMorgan, devrait absorber cette surtaxe sans en répercuter le coût au consommateur, ce qui se traduirait par une perte nette de 30 milliards de yens (environ 174 millions d’euros) sur son bénéfice opérationnel annuel. Un choix stratégique destiné à préserver la dynamique commerciale de la Switch 2 sur le marché américain, mais qui pèse sur la rentabilité à court terme.
Ce dilemme illustre une réalité : la dépendance de Nintendo à des chaînes d’approvisionnement sensibles et à des politiques commerciales extérieures. Dans un contexte géopolitique mouvant, la maîtrise de ces facteurs deviendra cruciale.
👁️🗨️ L’œil de l’expert
Le lancement de la Switch 2 constitue une réussite industrielle et marketing exceptionnelle, mais cette première phase n’est qu’un prélude. Nintendo devra désormais consolider sa performance avec un écosystème de jeux solide et naviguer dans un environnement économique tendu, entre pressions douanières et inflation logistique. La stratégie de modération des prévisions peut être perçue comme un signe de prudence… ou de lucidité. À long terme, le succès dépendra davantage des revenus logiciels que du simple volume de consoles vendues.
En somme, Nintendo gagne une bataille, mais la guerre du divertissement interactif, elle, ne fait que commencer.