Après un mois d’avril marqué par une envolée temporaire des taux longs liée aux tensions géopolitiques et économiques, le marché obligataire français semble avoir retrouvé un certain équilibre. L’OAT 10 ans, référence cruciale pour le coût du crédit bancaire, se stabilise autour de 3,20 % en ce début juin 2025.
Retour à la stabilité après un printemps agité
Le mois d’avril avait vu l’Obligation Assimilable du Trésor (OAT) à 10 ans, principal indicateur du coût de la dette publique française, grimper brutalement jusqu’à plus de 3,50 %, sous l’effet combiné de l’instabilité géopolitique au Moyen-Orient, des tensions sur les marchés de la dette souveraine européenne et d’un regain d’inflation aux États-Unis.
Ce pic avait brièvement ravivé les inquiétudes sur la capacité de la France à emprunter à des conditions soutenables, dans un contexte où les besoins de financement de l’État restent historiquement élevés.
Mais en mai, les craintes se sont partiellement dissipées. Le reflux de l’inflation dans la zone euro, la communication rassurante de la Banque centrale européenne (BCE), ainsi que l’apaisement progressif sur les marchés internationaux, ont contribué à un retour au calme sur le front des taux. L’OAT 10 ans a donc reflué pour osciller désormais autour de 3,20 %, un niveau considéré comme élevé mais relativement maîtrisé par les analystes.
Le marché a intégré l’idée d’une normalisation durable des taux d’intérêt, mais sans surréagir comme au printemps 2023 ou à l’automne 2022
analyse Jean-François Barret, stratégiste taux chez ABC Banque.
Quels impacts pour les emprunteurs, les banques et l’État ?
La stabilisation des taux longs à un niveau supérieur à 3 % reste néanmoins une donnée structurante pour l’ensemble des acteurs économiques.
✅ Pour les banques, l’OAT 10 ans constitue un référentiel clé dans la fixation des taux de crédits à long terme, notamment pour l’immobilier ou les grandes entreprises. Si le retour à 3,20 % allège légèrement la pression apparue en avril, les conditions de financement restent plus coûteuses qu’en 2022, incitant les établissements à desserrer timidement les critères d’octroi de crédit.
✅ Pour les emprunteurs particuliers, notamment ceux à la recherche d’un prêt immobilier, cette situation signifie que les taux des crédits immobiliers resteront durablement élevés, autour de 3% à 3,5 % sur 20 ans en moyenne, selon les courtiers interrogés. Cela continue de peser sur la solvabilité des ménages et sur la dynamique du marché immobilier résidentiel.
❗ Pour l’État, enfin, cette accalmie ne gomme pas le coût croissant du service de la dette. Avec plus de 3 100 milliards d’euros de dette publique, chaque hausse de taux d’un dixième de point engendre à moyen terme plusieurs milliards d’euros de charges supplémentaires. Le gouvernement, qui prépare le budget 2026 dans un contexte de rigueur imposée par Bruxelles, garde donc un œil très attentif sur l’évolution de cette OAT 10 ans.
Le niveau actuel reste soutenable, mais il n’y a plus de marge d’erreur. Tout nouveau choc pourrait entraîner une nouvelle tension sur la dette française
avertit Laurence Morin, économiste chez Euler Analytics.
️ L’œil de l’expert : vers un plateau haut des taux ?
En ce mois de juin 2025, le marché semble avoir trouvé un point d’équilibre temporaire, dans un environnement où les banques centrales demeurent accommandantes et où les investisseurs restent sélectifs sur les dettes souveraines.
Cependant, la stabilisation autour de 3,20 % ne doit pas être perçue comme un retour à la normale d’avant-crise, mais bien comme la nouvelle norme d’un monde post-inflationniste, marqué par des équilibres plus précaires. Si l’épisode d’avril a été contenu, il rappelle que le calme des marchés peut être trompeur.