Le débat autour de la taxe Zucman, qui viserait les très hauts patrimoines, agite autant la sphère politique que le monde entrepreneurial. Arthur Mensch, patron de la pépite française de l’IA Mistral, invité sur France 2, a affirmé qu’il « ne pourrait pas payer » une telle contribution, tout en plaidant pour « plus de justice fiscale » en France. Derrière cette sortie médiatique se dessine une interrogation cruciale : comment concilier équité fiscale et maintien de l’attractivité économique dans un contexte d’hypercompétition mondiale ?
📊 L’équation complexe des start-up
Mistral, fleuron européen de l’intelligence artificielle, a levé 1,7 milliard d’euros début septembre, portant sa valorisation à près de 11,7 milliards d’euros. Pourtant, comme le rappelle Arthur Mensch, cette richesse apparente ne se traduit pas par une trésorerie disponible pour les fondateurs :
On fait des levées de fonds, ça valorise l’entreprise, ça ne correspond pas nécessairement à une liquidité
a-t-il expliqué sur France 2. Autrement dit, si la valeur boursière de l’entreprise explose, les capitaux servent avant tout à financer les investissements et la croissance, pas à enrichir directement les dirigeants. C’est cette dissociation entre valorisation et patrimoine personnel qui rendrait pour lui impossible le paiement de la taxe Zucman, fixée à 2 % par an sur les fortunes supérieures à 100 millions d’euros.
Cette taxe, proposée par l’économiste Gabriel Zucman et défendue par la gauche, concernerait environ 1 800 foyers fiscaux. Mais dans le camp patronal, on craint qu’elle ne vienne fragiliser « l’outil professionnel » et détourner l’investissement de l’innovation française.
⚖️ Entre justice fiscale et compétitivité
Si Arthur Mensch reconnaît les limites d’une telle taxation pour des entrepreneurs en croissance, il ne ferme pas la porte à une réforme du système fiscal. Bien au contraire, il nuance :
Au risque de décevoir les polémistes, je suis plutôt convaincu qu’il faut plus de justice fiscale en France.
Pour lui, le débat doit se tenir « des deux côtés » : trouver une voie qui garantisse davantage d’équité sans compromettre la compétitivité de l’écosystème entrepreneurial français. Car la France se positionne aujourd’hui comme un hub stratégique pour les start-up, notamment dans l’intelligence artificielle, un secteur hautement concurrentiel où la fiscalité peut peser dans les arbitrages d’implantation.
Le risque pointé par de nombreux économistes est clair : un excès de pression fiscale pourrait pousser les entreprises à délocaliser leurs sièges ou leurs activités, fragilisant l’innovation nationale. À l’inverse, l’absence de régulation accentuerait les inégalités, alors même que les levées de fonds spectaculaires alimentent les débats sur la redistribution.
👁️ L’œil de l’expert : un test grandeur nature
L’affaire Mistral illustre parfaitement le dilemme de la fiscalité contemporaine : comment taxer équitablement sans étouffer les acteurs de l’innovation qui tirent la compétitivité nationale. La taxe Zucman, si elle venait à voir le jour, serait un signal fort adressé aux grandes fortunes, mais aussi un marqueur de risque pour l’attractivité du territoire.
L’équilibre à trouver est donc subtil : une réforme fiscale « intelligente » devrait intégrer la spécificité des entreprises en hypercroissance, dont les valorisations s’envolent sans générer de liquidités immédiates. La France joue ici une partie décisive : être pionnière en matière de justice fiscale, sans compromettre sa place dans la course mondiale à l’innovation