Alors que le marché européen des voitures électriques s’accélère, Tesla enregistre une dégringolade spectaculaire de ses ventes. En mai 2025, le constructeur californien affiche une baisse de plus de 40 % de ses immatriculations, sur fond de controverses politiques et de repositionnement stratégique raté. Un paradoxe inquiétant, dans un contexte où les véhicules zéro émission gagnent du terrain sur le Vieux Continent.
Hémorragie commerciale sur un marché pourtant porteur
Le contraste est saisissant. Tandis que les immatriculations de voitures 100 % électriques bondissent de 26,1 % sur un an dans l’Union européenne, Tesla voit ses ventes chuter de 40,2 % en mai par rapport à l’an dernier, selon les données mensuelles de l’ACEA (Association des constructeurs européens d’automobiles). Sur les cinq premiers mois de 2025, la marque a vu ses livraisons s’effondrer de 45,2 %, ne représentant plus que 1,1 % du marché européen, contre 2 % un an plus tôt.
Le cas allemand est encore plus emblématique : en février, Tesla n’y a immatriculé que 1 429 véhicules, soit une chute de 76 % en un an, selon les chiffres de l’autorité fédérale des transports (KBA). Un revers attribué en partie au soutien public d’Elon Musk au parti d’extrême droite AfD, une prise de position qui a profondément clivé l’opinion.
Cette contre-performance, dans un marché pourtant en pleine mutation vers l’électrique, témoigne d’un véritable rejet politique et commercial . La marque n’est plus perçue comme neutre ou innovante, mais comme polarisante.
analyse Elena Smirnova, correspondante chez Reuters.
À cela s’ajoute un manque d’adaptation tarifaire : alors que la concurrence asiatique et européenne rogne ses marges, Tesla peine à proposer des modèles accessibles à une clientèle européenne de plus en plus sensible au prix d’achat et au coût d’usage.
⚡️ Montée en puissance de l’électrique aux dynamiques inégales
Si Tesla recule, le véhicule électrique dans son ensemble, lui, continue de grignoter des parts de marché, désormais à 15,4 % dans l’Union européenne. Une dynamique portée par des constructeurs historiques comme Volkswagen, qui maintient sa place de leader avec 27,4 % de parts de marché (+4,8 % sur un an), ou Renault, qui affiche une croissance de 6,6 %.
Cependant, la directrice générale de l’ACEA, Sigrid de Vries, nuance cet optimisme :
Le rythme de croissance est trop lent pour atteindre les objectifs climatiques. Le développement du marché reste inégal selon les pays et trop dépendant des incitations locales.
En effet, l’Allemagne progresse de 43,2 %, tandis que la France accuse un recul de 7,1 % sur les immatriculations de voitures électriques entre janvier et mai.
Pendant ce temps, les véhicules thermiques plongent : leur part est passée de 48,5 % à 38,1 % en l’espace d’un an. En parallèle, les hybrides, dont les rechargeables, s’imposent comme la nouvelle norme, représentant désormais 43,3 % des immatriculations.
Du côté des groupes, Stellantis fléchit de 10 %, malgré un portefeuille étendu (Peugeot, Fiat, Opel…). Le changement de direction avec l’arrivée d’Antonio Filosa pourrait annoncer un recentrage stratégique. Renault, en embuscade avec 11,3 % de parts, anticipe aussi un passage de relais à sa tête, après le départ prévu de Luca De Meo.
️ L’œil de l’expert : Tesla, le grand perdant de la transition électrique européenne ?
Tesla n’est pas simplement confronté à une érosion de ses ventes. Il est devenu, en Europe, le symbole d’une transition mal maîtrisée, à la fois sur le plan industriel, tarifaire et politique. Son effondrement, dans un marché qui croît pourtant, est un signal fort : la marque d’Elon Musk ne bénéficie plus d’un statut à part. Elle doit désormais composer avec des constructeurs européens bien ancrés, une clientèle plus exigeante, et une image de marque fragilisée.
L’essor de l’électrique en Europe est une réalité, mais cette croissance reste fragile, tributaire des politiques publiques, de la stabilité économique, et de la capacité des marques à rassurer, innover et convaincre. Tesla, longtemps pionnière, risque de devenir marginale si elle ne redéfinit pas sa stratégie continentale.