Offensive tarifaire au nom de la sécurité nationale. Le 6 août dernier, le président américain a signé un décret doublant les taxes imposées à l’Inde, les faisant passer de 25 % à 50 %. Derrière cette manœuvre musclée, un objectif stratégique : sanctionner les importations de pétrole russe par New Delhi, qui selon Washington, contribuent indirectement au financement de la guerre en Ukraine.
La mesure, tout autant économique que diplomatique, confirme une orientation très protectionniste du second mandat Trump. Et soulève déjà une vague de tensions sur la scène commerciale mondiale.
📉 Une mesure économique et géopolitique
La Maison Blanche a justifié cette hausse tarifaire comme une riposte directe à ce qu’elle qualifie d’« urgence nationale ». Dans le décret publié, Donald Trump affirme vouloir « gérer efficacement une menace inhabituelle et extraordinaire pesant sur la sécurité nationale et la politique étrangère des États-Unis ». Il ajoute que l’augmentation des droits de douane est « plus efficace que d’autres leviers pour répondre à cette menace ».
Selon les données relayées par le ministère indien du Commerce, l’Inde est devenue en 2024 le deuxième plus gros importateur de pétrole russe, juste derrière la Chine, représentant 36 % de ses approvisionnements en brut, contre à peine 2 % avant la guerre en Ukraine. Pour Donald Trump, cela suffit à faire de l’Inde un complice indirect du financement de Moscou.
Le président a notamment déclaré sur CNBC :
L’Inde n’a pas été un bon partenaire commercial. Elle fait beaucoup d’affaires avec nous, mais nous n’en faisons pas avec elle. Et elle continue d’acheter du pétrole russe. Il est temps d’agir.
Mais en creux, cette mesure cache aussi un calcul plus froid : l’Inde pèse plus de 80 milliards de dollars dans la balance commerciale bilatérale, avec un excédent significatif en sa faveur. Doubler les droits de douane revient donc à rééquilibrer de force les échanges.
⚙️ Une portée économique limitée mais ciblée
La surtaxe de 25 % additionnelle, qui portera les droits à 50 %, n’entrera en vigueur que dans 21 jours. Certaines catégories de produits en seront cependant exemptées, ce qui en réduit considérablement l’impact réel. Selon l’Agence France-Presse (AFP), les exemptions couvrent des secteurs stratégiques comme les produits pharmaceutiques, les semi-conducteurs, ou encore l’acier et l’aluminium, déjà soumis à d’autres barrières tarifaires.
En visant d’abord des secteurs industriels moins sensibles pour les chaînes d’approvisionnement américaines, Trump cherche à faire pression sans fragiliser ses propres marchés. Mais pour l’Inde, la décision reste « extrêmement regrettable », a réagi un porte-parole du ministère du Commerce.
Par ailleurs, certains experts soulignent que cette mesure pourrait renforcer les alliances asiatiques de la Russie, tout en encourageant l’Inde à chercher d’autres débouchés économiques, notamment en Europe et en Asie du Sud-Est.
D’un point de vue macroéconomique, cette guerre commerciale ciblée risque de perturber les marchés pétroliers, d’ajouter de la volatilité aux devises émergentes, et de tendre les relations entre deux puissances qui, jusqu’à présent, avaient évité l’escalade protectionniste.
👁 L’œil de l’expert : un pari risqué
En augmentant brutalement les taxes sur les produits indiens, Donald Trump envoie un message fort à ses électeurs protectionnistes tout en replaçant les États-Unis au centre de l’échiquier géopolitique mondial. Mais cette stratégie du rapport de force pourrait s’avérer à double tranchant : l’Inde n’est pas la Chine. C’est un partenaire stratégique clé dans la région indo-pacifique, tant sur le plan économique que diplomatique.
Sur le plan financier, la mesure reste habilement calibrée pour éviter de nuire aux intérêts directs des industries américaines, tout en fragilisant les positions indiennes sur certains segments. Mais le signal envoyé au reste du monde est limpide : sous Trump, l’économie américaine ne négocie plus, elle impose.
La question reste entière : cette politique tarifaire punitive aura-t-elle un réel impact sur la stratégie énergétique de l’Inde ou renforcera-t-elle, au contraire, un axe anti-américain plus assumé ?