Un symbole « flottant » de la guerre économique entre Washington et Moscou vient d’être mis en vente. Saisi en 2022 dans le cadre des sanctions occidentales contre les oligarques russes, le superyacht Amadea, estimé à 300 millions de dollars, est désormais proposé aux enchères par les États-Unis. Un événement inédit qui mêle luxe ostentatoire, stratégie diplomatique et intérêts financiers. Derrière cette vente spectaculaire se cache une ambition plus vaste : transformer les actifs gelés en armes économiques au profit de l’Ukraine, dans un contexte où la justice américaine redéfinit les règles du jeu face à la fortune des alliés du Kremlin.
⛴ Financer la guerre avec un Yacht saisi
Les États-Unis frappent un grand coup en mettant aux enchères cette semaine l’Amadea, un yacht de 106 mètres autrefois propriété présumée de l’oligarque russe Suleiman Kerimov, figure clé du cercle proche du Kremlin. Saisi en 2022 aux Fidji à la demande de la justice américaine, ce joyau flottant est désormais ancré à San Diego, prêt à être vendu. Prix estimé : 300 millions de dollars, pour un navire disposant d’un héliport, d’une piscine, d’un jacuzzi, d’une salle de sport et de huit cabines de prestige.
Pour participer à cette vente exceptionnelle organisée par National Maritime Services, un dépôt minimum de 10 millions de dollars est exigé — un ticket d’entrée aussi impressionnant que le bateau lui-même.
Mais derrière cette mise aux enchères spectaculaire se cache un enjeu géopolitique et économique majeur. Comme le souligne Reuters, cette opération s’inscrit dans le sillage des sanctions économiques imposées par les États-Unis contre la Russie, après l’invasion de l’Ukraine en 2022.
⚖️ Le dossier complexe de Kerimov
L’Amadea cristallise le bras de fer économique entre Washington et Moscou. Suleiman Kerimov, déjà visé par des sanctions américaines depuis 2018 pour blanchiment d’argent présumé, a vu ses avoirs scrutés de près depuis le début du conflit ukrainien. Si un autre milliardaire russe, Edouard Khoudaïnatov, ancien patron de Rosneft, a tenté de revendiquer la propriété du yacht, la justice américaine a conclu qu’il n’était qu’un « prête-nom », déboutant définitivement ses prétentions en mars 2025.
Ce revirement judiciaire permet désormais aux États-Unis de vendre légalement l’Amadea. Et grâce à une loi adoptée en 2024 par le Congrès sous l’impulsion de Joe Biden, les revenus issus de cette vente pourront être réaffectés au soutien de l’Ukraine. Une manœuvre à la fois politique et économique, qui souligne l’utilisation stratégique des actifs saisis dans le cadre des sanctions internationales.
Toutefois, ce processus n’échappe pas aux tensions partisanes. Pam Bondi, ancienne ministre de la Justice de Donald Trump, a supprimé en février dernier la cellule « Kleptocapture », créée par l’administration Biden pour traquer les actifs des oligarques russes. Ce signal politique fragilise potentiellement l’élan de mesures coercitives visant les fortunes russes.
👁️ L’œil de l’expert
La mise aux enchères de l’Amadea illustre parfaitement la monétisation des sanctions économiques à des fins diplomatiques. En réaffectant des actifs de luxe confisqués à des oligarques proches du Kremlin, les États-Unis ajoutent une nouvelle dimension à leur stratégie de pression sur la Russie. Toutefois, ce type d’opérations reste juridiquement complexe et politiquement sensible. Leur efficacité dépendra à l’avenir de la volonté politique de maintenir les dispositifs d’enquête et de confiscation, alors même que le climat électoral aux États-Unis devient de plus en plus polarisé.
Un yacht vendu aux enchères ne fera pas vaciller une économie, mais il envoie un signal fort : les fortunes construites sur les réseaux d’influence ne sont plus à l’abri, même en haute mer.
