Le message est clair : BNP Paribas n’entend plus simplement suivre le marché, elle veut le devancer. À l’occasion d’une présentation stratégique à ses investisseurs, le groupe bancaire a fixé un objectif ambitieux pour sa filiale de crédit à la consommation, BNP Paribas Personal Finance : atteindre une rentabilité avant impôt (RONE) supérieure à 17% d’ici 2028, contre 8,5% en 2024. Un véritable saut de performance, fondé sur une révision profonde du modèle économique, un recentrage géographique et une politique de marges redéfinie.
À travers ses marques connues telles que Cetelem, Cofinoga ou encore Stellantis Financial Services, la filiale entend capitaliser sur un socle solide en Europe et au Royaume-Uni, tout en rationalisant ses implantations. Exit donc les activités dans dix pays, cédées ou arrêtées, et des réductions d’effectifs notables, y compris en France. Objectif : concentration, efficacité et croissance sélective.
Ciseaux affûtés pour réduire les coûts et regonfler les marges
Pour BNP Paribas, la croissance ne sera pas uniquement quantitative, mais surtout qualitative. La banque table sur un effet de ciseau – soit l’écart entre la hausse des revenus et la maîtrise des coûts – de plus de quatre points d’ici 2028. Ce levier sera rendu possible notamment par une hausse moyenne annuelle de 5,5% des revenus sur le périmètre essentiel, selon les prévisions internes.
Parmi les moteurs clés de cette dynamique, la reconstitution des marges sur les prêts représente le principal vecteur de croissance (+3,2%). En parallèle, la révision tarifaire menée entre 2021 et 2024 a déjà permis un gain de 250 points de base, et les économies structurelles attendues à partir de 2025 s’élèveront à 320 millions d’euros par an dans les zones prioritaires.
Des résultats concrets commencent déjà à émerger : le produit net bancaire est resté stable à 5,1 milliards d’euros malgré un contexte toujours délicat, et le résultat avant impôt a bondi de 21,6% en un an, atteignant 822 millions d’euros en 2024. Par ailleurs, le coefficient d’exploitation, indicateur clé de l’efficacité opérationnelle, a reculé de 2,4 points pour s’établir à 54,8%.
Un pari sur la croissance soutenue des encours, malgré un marché sous pression
La stratégie de BNP Paribas Personal Finance repose également sur une trajectoire de croissance supérieure à celle du marché. Alors que le secteur du crédit à la consommation anticipe une hausse des encours de 2 à 3% par an, la banque vise une progression de 4% par an de son encours moyen de prêts. Ce différentiel, s’il est tenu, permettrait d’accélérer le désendettement du modèle et d’accroître la profitabilité nette, tout en consolidant la part de marché du groupe.
Nous avons tiré les enseignements des cycles précédents et ajusté notre modèle pour mieux capter la croissance rentable
a souligné un dirigeant de BNP Paribas, selon des propos rapportés par Reuters. Après une période marquée par la hausse brutale des taux d’intérêt et une montée des risques de défaut, la filiale de crédit semble désormais repartir sur des bases assainies et calibrées pour résister aux chocs à venir.
L’œil de l’expert : une stratégie rigoureuse… mais sous haute surveillance
La trajectoire dessinée par BNP Paribas est cohérente, ambitieuse et solidement architecturée autour de trois piliers : concentration géographique, maîtrise des coûts et redressement des marges. Mais ce plan n’est pas sans risques. Dans un contexte économique incertain, la robustesse de la demande en crédit à la consommation reste tributaire de la confiance des ménages et de la stabilité du pouvoir d’achat.
Si la banque parvient à tenir son pari sans trop heurter sa base sociale ni son image de responsabilité, elle pourrait bien redéfinir les standards de rentabilité du secteur en Europe. Reste à voir si la course à la performance se fera dans le respect des équilibres économiques, sociaux et réglementaires.
