Un menu de mesures indigestes pour le secteur. Le secteur de la restauration rapide, véritable locomotive économique avec ses 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuels, traverse une période particulièrement instable. Face à une accumulation de réformes fiscales et sociales, les acteurs du secteur alertent sur une érosion brutale de leur rentabilité. Commandée par le Syndicat national de l’alimentation et de la restauration rapide (Snarr), une étude du cabinet Xerfi, publiée ce jeudi, met en lumière l’impact potentiel d’un cocktail explosif : hausse de la TVA, renforcement de la « taxe soda », réforme des titres-restaurants, et réduction des allègements de charges sur les bas salaires.
À en croire l’experte Esther Kalonji, présidente du Snarr, « les signaux d’alerte se multiplient » sur le terrain. L’addition pourrait être salée pour les professionnels comme pour l’emploi.
Des charges qui grignotent les marges
L’analyse menée par Xerfi est sans appel : le résultat net du secteur a été divisé par deux entre 2018 et 2023. En cause ? Une hausse continue des coûts d’exploitation, combinée à de nouvelles obligations réglementaires (comme la loi Agec, imposant de la vaisselle réutilisable) et une multiplication des taxes.
Parmi les réformes les plus impactantes figure le doublement de la « taxe soda« . Initialement augmenté en 2025, ce prélèvement grimpera de nouveau en 2026, pesant jusqu’à 55,5 millions d’euros sur les chaînes de restauration rapide. Cette mesure, censée encourager de meilleures habitudes alimentaires, pourrait bien provoquer l’effet inverse côté emploi et rentabilité.
Le réajustement des titres-restaurants constitue une autre faille majeure. L’autorisation d’utiliser ces titres pour des courses alimentaires complètes en grande surface entraînera une perte estimée à 195 millions d’euros en 2026. Pour Clément Morin, auteur de l’étude, « un titre-restaurant dépensé dans une enseigne de restauration rapide crée plus d’emplois que s’il est utilisé en grande surface. »
⚠️ Vers un effondrement structurel ?
L’inquiétude ne se limite pas aux chiffres. Les répercussions sociales s’annoncent tout aussi lourdes. Selon les projections de Xerfi, entre 16.500 et 26.200 entreprises du secteur pourraient basculer dans le rouge d’ici 2026 si toutes les mesures étudiées entraient en vigueur. Les taux de défaillance, déjà supérieurs à 2 %, n’avaient jamais atteint de tels niveaux depuis 2021.
Devant cette avalanche de contraintes, les principaux syndicats patronaux (Snarr, Umih, GHR) ont choisi de claquer la porte des Assises de la restauration organisées par Bercy. La réforme des titres-restaurants, en particulier, est qualifiée par l’Umih de « décision funeste pour le secteur. »
En parallèle, la réduction des exonérations de charges sur les petits salaires, actée pour 2025, alimente la tension. Le mécanisme, jusqu’ici protecteur pour l’emploi dans un secteur à forte intensité de main-d’œuvre, semble désormais remis en question, sans véritable alternative.
️ L’œil de l’expert : un secteur pris en étau
La restauration rapide, longtemps considérée comme résiliente, se trouve aujourd’hui face à un défi d’envergure. À force de réformes mal coordonnées, le gouvernement risque de fragiliser un pan entier de l’économie de proximité. Jérémy Robiolle, directeur du développement chez Xerfi, rappelle que « les taux de défaillance restent sous contrôle mais s’élèvent dangereusement. »
Dans un climat économique incertain, une stratégie d’accompagnement ciblée serait plus efficace qu’un empilement de mesures fiscales. L’État a tout intérêt à ne pas sous-estimer l’effet domino potentiel : moins de rentabilité, c’est moins d’emplois, moins de formation, et une pression accrue sur les finances publiques à moyen terme.