C’est un symbole fort : pour la première fois depuis des décennies, la France emprunte à des taux supérieurs à ceux de l’Italie sur certaines échéances. Un paradoxe européen qui en dit long sur la perte de crédibilité budgétaire tricolore, et sur la sévérité du regard des marchés à l’égard des finances publiques françaises.
Un écart de taux qui inquiète les marchés
À la mi-juin 2025, le taux des obligations d’État italiennes à 10 ans est tombé à 3,5 %, selon Reuters. Dans le même temps, les taux français, notamment à court terme (échéance 3 ans), ont dépassé ceux de Rome — une situation jugée impensable il y a encore quelques mois.
Silvia Ardagna, économiste chez Barclays, parle même d’une « bond renaissance italienne », illustrant le regain de confiance dont bénéficie l’Italie sur les marchés. Ce n’est pas tant le niveau d’endettement qui est scruté par les investisseurs que la trajectoire budgétaire et la cohérence des politiques économiques.
En revanche, la France accumule les signaux d’alerte : déficit structurel persistant, rigidité des dépenses, incertitudes politiques. Résultat, l’Agence France Trésor (AFT) emprunte désormais à un taux moyen de 2,91 % en 2024, contre des taux… négatifs en 2021. Le retournement est brutal.
Selon les données officielles, la charge d’intérêts est passée de 30 à 53 milliards d’euros entre 2020 et 2023, soit +23 milliards en trois ans à effort budgétaire constant. Et ce n’est que le début.
Dette française : la spirale du surcoût
Le ministre Éric Lombard ne mâche pas ses mots :
Il faudra consacrer 67 milliards d’euros au remboursement de la dette. C’est plus que le budget de la Défense. Dans trois ans, ce sera 100 milliards.
La Banque de France comme la Commission européenne dressent des perspectives très sombres :
- 116 % du PIB de dette publique en 2025
- 118,4 % en 2026
- Jusqu’à 120 % en 2027 selon Moody’s, cité par le Financial Times.
Cela signifie que, d’ici deux ans, la seule charge des intérêts pourrait égaler le budget de l’Éducation nationale. Les marchés anticipent donc une explosion de la dette française, sans plans de réduction crédibles à court terme.
En comparaison, l’Italie – pourtant longtemps considérée comme le maillon faible de la zone euro – bénéficie d’une perception plus favorable, grâce à une relative stabilité politique et une gestion plus lisible.
L’œil de l’expert : perte de confiance
La situation de la France n’est pas qu’un problème de chiffres : c’est un problème de confiance. Les investisseurs, dans un environnement de taux durablement plus élevés, attendent des trajectoires crédibles, pas des promesses.
La comparaison avec l’Italie doit faire réfléchir : ce n’est pas la dette passée qui coûte cher, mais l’incertitude sur la dette future. Pour retrouver des conditions d’emprunt normales, la France devra démontrer sa capacité à réformer, maîtriser ses dépenses, et surtout rassurer les marchés sur sa gouvernance économique.