Alors que la France amorce une fragile reprise économique, un pan entier de son tissu productif vacille : le secteur du bâtiment, pilier de l’emploi national, prévoit la destruction de 50 000 postes en 2025. Derrière ce chiffre, une réalité brutale : ralentissement de la construction neuve, frein brutal à la rénovation énergétique, et instabilité des politiques publiques. Décryptage chiffré d’un secteur à l’arrêt.
Une hémorragie de l’emploi aux racines multiples
Le bâtiment traverse une véritable tempête sociale. 33 000 emplois ont déjà disparu sur les douze derniers mois, dont 25 000 salariés en CDI ou CDD, selon les données présentées le 2025-__juin__-25 par la Fédération Française du Bâtiment (FFB). Et la tendance s’annonce encore plus sévère : Olivier Salleron, président de la FFB, confirme une prévision de 50 000 suppressions de postes d’ici fin 2025, soit une baisse de 4 % par rapport à 2024.
Nous avions remonté la pente depuis le Covid. Mais la chute actuelle est d’autant plus regrettable qu’elle touche un secteur historiquement résilient.
déplore Olivier Salleron. La principale cause de ce recul est bien connue : la crise immobilière. Depuis le quadruplement des taux d’intérêt en deux ans, l’accession à la propriété s’est effondrée. Résultat : la construction de logements neufs peine à redémarrer, malgré la baisse récente des taux et la réforme du prêt à taux zéro, désormais élargi à l’ensemble du territoire.
Mais ce qui inquiète encore davantage les professionnels, c’est le retournement inattendu du marché de la rénovation, qui avait jusque-là permis d’amortir la crise. Ce segment représentait en 2024 près de 57 % de l’activité du bâtiment, avec 118 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Mais voilà que ce moteur cale à son tour.
⚙️ Rénovation énergétique : l’autre pilier qui s’effondre
La rénovation énergétique des logements, portée ces dernières années par des aides publiques massives, connaît un brutal coup de frein. Le chiffre d’affaires du secteur a déjà reculé de 0,8 % au 4e trimestre 2024, puis de 0,6 % au 1er trimestre 2025.
En cause ? Une instabilité réglementaire devenue ingérable. Le dispositif MaPrimeRénov’, pierre angulaire de la politique de rénovation, a vu ses règles modifiées à plusieurs reprises. Dernier rebondissement : la suspension des demandes pour les rénovations globales du 23 juin au 2025-__septembre__-15, le temps de résoudre des problèmes de traitement des dossiers et de lutte contre la fraude.
Si le gouvernement n’avait pas maintenu les rénovations monogestes accessibles, nous aurions dû ajouter entre 20 000 et 30 000 suppressions d’emplois aux 50 000 déjà attendues.
alerte Olivier Salleron. Les changements incessants des règles d’éligibilité ont sapé la confiance des artisans et des particuliers. Les carnets de commandes se vident, les marges s’érodent, et les entreprises, confrontées à une visibilité réduite, n’ont d’autre choix que d’ajuster leurs effectifs.
️ L’œil de l’expert : une crise structurelle sous-estimée
Ce qui frappe dans cette crise, c’est son caractère systémique. Le bâtiment, avec 1,75 million d’actifs (salariés, intérimaires, artisans), représente la moitié des effectifs de l’industrie française, et deux fois ceux de la banque-assurance. Le voir vaciller dans une relative indifférence politique est un risque économique majeur.
Ce n’est pas seulement une crise conjoncturelle liée aux taux : c’est le manque de constance de l’action publique, combiné à des effets de bord mal anticipés, qui aggravent la situation. Un soutien plus lisible, prévisible, et surtout stable, est indispensable.
On ne relance pas un secteur structurant avec des aides dont les règles changent tous les trimestres.
À défaut, ce sont des milliers de PME, souvent familiales, qui pourraient être contraintes de fermer – avec des conséquences dramatiques pour l’emploi local, les territoires ruraux, et la transition énergétique elle-même.