Boosté par une vague de commandes post-salon du Bourget, Airbus semble bien engagé sur la voie de la reprise industrielle. Mais derrière les chiffres flatteurs, l’équation économique reste tendue : atteindre les 820 livraisons d’avions commerciaux d’ici la fin de 2025 exigera une montée en puissance industrielle encore fragile. Tandis que Boeing revient en force sur les carnets de commandes, l’avionneur européen affronte un double défi : honorer ses contrats dans les délais et rester compétitif face à la concurrence américaine, dans un marché mondial instable.
Des livraisons en hausse, mais encore loin du compte
Avec 63 appareils livrés au mois de juin, Airbus clôt son premier semestre avec 306 livraisons au compteur. Une progression par rapport à avril (56 avions) et mai (51), mais encore insuffisante pour espérer atteindre l’objectif des 820 avions en 2025, fixé par l’industriel basé à Toulouse. En 2024, Airbus avait manqué de peu sa cible (766 livraisons), en invoquant un « environnement complexe », et ne peut se permettre un nouveau faux pas.
Guillaume Faury, président exécutif du groupe, souligne que les difficultés d’approvisionnement persistent, même si elles tendent à se résorber. Or, les livraisons sont un indicateur clé de la santé financière du secteur : les compagnies aériennes règlent la majeure partie du montant à la remise effective de l’appareil. Chaque retard impacte donc directement la trésorerie.
Autre élément de contexte : le salon du Bourget, vitrine internationale de l’aéronautique, a permis de doper le carnet de commandes avec 203 nouvelles unités en juin. Mais la moisson reste moins abondante que lors des précédentes éditions, signalant un marché encore prudent malgré la reprise du trafic aérien.
✈️ Boeing : des commandes record malgré un passif lourd
Si Airbus mène sur le terrain des livraisons avec ses 306 appareils au premier semestre (contre 280 pour Boeing), son rival américain le devance clairement côté commandes. À fin juin, Boeing a enregistré 676 contrats fermes, contre 494 pour Airbus, une inversion significative de tendance.
Fait notable, Boeing n’a pourtant annoncé aucune nouvelle vente pendant le salon du Bourget, impacté par le traumatisme d’un accident mortel impliquant un 787 d’Air India, survenu quelques jours avant l’événement. Avec au moins 279 victimes, cette tragédie — la plus meurtrière depuis 2014 — jette une ombre sur la crédibilité de l’avionneur américain, déjà secoué par des scandales de production.
Néanmoins, ce dernier réalise son meilleur premier semestre depuis sept ans, preuve que le marché n’a pas déserté l’avionneur de Seattle malgré ses tourments. Dans ce contexte, la pression s’intensifie sur Airbus pour maintenir son avance, alors que chaque mois compte dans la bataille mondiale des duopoles.
L’œil de l’expert : tenir le rythme
Les chiffres encourageants d’Airbus ne doivent pas masquer les fragilités structurelles : dépendance aux fournisseurs, tensions sur la chaîne logistique et arbitrages géopolitiques pèsent sur sa performance opérationnelle. Si Boeing semble renaître grâce à une dynamique commerciale solide, Airbus doit se battre sur deux fronts : livrer davantage sans compromettre la qualité, et sécuriser ses chaînes de valeur face aux aléas mondiaux. La prochaine grande étape sera moins commerciale que technique : tenir les cadences tout en absorbant les risques industriels.