Depuis le 11 juillet 2025, Porto Rico vit au rythme de Bad Bunny, icône planétaire du reggaeton, qui a lancé une séquence exceptionnelle de 30 concerts sur son île natale. Loin d’être un simple événement musical, cette initiative constitue un véritable moteur économique, grâce surtout à une stratégie de valorisation locale. Avec une mise en scène 100 % boricua, une vision assumée du tourisme responsable, et des retombées financières record, Benito Antonio Martínez Ocasio transforme l’émotion artistique en action concrète pour son territoire.
📊 Impact économique record en pleine saison creuse
Derrière les projecteurs, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon Davelyn Tardi, porte-parole de Discover Puerto Rico, les 30 concerts du Coliseo de San Juan devraient générer plus de 200 millions de dollars de retombées pour l’économie insulaire, en plein cœur de l’été, une période habituellement creuse. Cet afflux inespéré de liquidités dynamise tous les secteurs, du transport aux services, en passant par la restauration, l’hôtellerie, ou encore les activités culturelles.
Avec 600 000 visiteurs attendus et 3 600 emplois créés, l’évènement local devient un vecteur de croissance inédit. À San Juan, certains bars adaptent même leurs cartes pour surfer sur la vague, à l’image du témoignage recueilli par l’AFP auprès d’Azael Ayala, barman dans un quartier branché :
Tout a commencé à changer
raconte-t-il, soulignant l’effervescence générée par l’artiste.
🕺 Une scénographie identitaire
Mais Bad Bunny ne se contente pas de remplir des stades. Il met en scène Porto Rico dans toute sa richesse culturelle. La scénographie de ses concerts reproduit une maison rurale typique, un flamboyant majestueux, et les emblématiques chaises blanches en plastique présentes dans les patios de campagne. Un hommage visuel assumé, que Courrier International qualifie de « reconstitution fidèle du paysage portoricain ».
Ce choix artistique est également économique : en réservant les neuf premières dates aux résidents de l’île, l’artiste favorise la consommation locale avant d’ouvrir aux touristes. L’appel est clair : « Achetez local », martèle-t-il à la veille de la première, dénonçant les effets néfastes d’un tourisme déconnecté des réalités sociales
🌱 L’idée d’un tourisme plus responsable
Car si le succès attire, il peut aussi déranger. Porto Rico, ces dernières années, est devenu un eldorado fiscal pour certains investisseurs étrangers et nomades numériques, provoquant une hausse des loyers, de la gentrification et des frustrations locales. Bad Bunny, dans ses textes comme dans sa communication, alerte sur ces dérives.
Dans son titre « Turista », il chante : « Tu n’as vu que le meilleur de moi, pas ma souffrance ». Une ligne qui résonne comme un rappel : consommer, oui, mais en conscience.
L’historien Jorell Meléndez Badillo, interrogé par l’AFP, souligne que
beaucoup de Portoricains estiment que le tourisme a une connotation coloniale.
Une critique à laquelle Ana Rodado, spectatrice venue d’Espagne, répond en assumant une démarche plus engagée : « On doit être responsables de l’impact de notre voyage ».
👁️ L’œil de l’expert : un modèle intégré
Le cas Bad Bunny illustre à la perfection comment la culture peut devenir un levier économique puissant, à condition de s’inscrire dans une logique d’ancrage local et de durabilité. En orchestrant un événement où les valeurs patrimoniales, la fierté identitaire et la responsabilité sociale coexistent, l’artiste réussit là où bien des politiques publiques échouent : générer de la richesse sans dénaturer le territoire.
Derrière les millions injectés et l’euphorie collective, se dessine peut-être un nouveau modèle économique pour les territoires insulaires et culturels. Un modèle dans lequel l’artiste devient acteur de transformation, et le spectacle, un acte de développement.