Alors que la France étouffe sous les températures estivales, les marchés de l’électricité s’enflamment eux aussi. Depuis début août, le prix de gros de l’électricité a bondi de 15 %, atteignant 60 euros le MWh, son plus haut niveau depuis mars, selon les données croisées de Bloomberg et EEX. Cette envolée tarifaire n’est pas une anomalie isolée, mais bien le symptôme d’un déséquilibre structurel entre l’offre énergétique et une demande sous tension, exacerbée par le réchauffement climatique.
À mesure que les pics de chaleur se répètent, la pression monte sur les capacités de production, notamment nucléaires. Et si les annonces de coupures restent à ce jour hypothétiques, elles deviennent de moins en moins impensables.
🌡 Thermomètre au rouge, marché sous tension
Le lien entre canicule et électricité n’est plus à démontrer : la hausse de la consommation est directe. Fin juin déjà, lors d’un précédent épisode caniculaire, la consommation française d’électricité avait significativement dépassé les niveaux observés à la même période en 2024. En cause : l’usage massif de climatiseurs, ventilateurs, mais aussi la demande accrue des secteurs industriel et tertiaire, selon les données relayées par Bloomberg.
Cette tendance n’est pas propre à la France. Comme le rappelle l’Agence internationale de l’énergie, la climatisation figure aujourd’hui parmi les principaux moteurs de croissance de la demande mondiale d’électricité. En France, le taux d’équipement des ménages en climatiseurs atteignait 25 % dès 2020 (source : Ademe), un chiffre en constante progression.
Mais face à une demande qui explose, la production ne suit pas toujours. L’exemple récent de la centrale nucléaire de Golfech (Tarn-et-Garonne) est révélateur. Le 30 juin 2025, le réacteur 1 a été mis à l’arrêt provisoire, EDF expliquant que la température de la Garonne, utilisée pour refroidir le site, devait atteindre 28°C. Au-delà d’un certain seuil thermique, l’eau ne peut plus être rejetée sans perturber l’écosystème fluvial — ce qui impose des arrêts techniques coûteux.
⚠️ Risques systémiques réels
Derrière la météo, les signaux d’alerte macroéconomiques se multiplient. La flambée des prix du mégawattheure reflète un marché sous pression, où l’incertitude climatique alimente la volatilité des prix à court terme. Cette dynamique préoccupe autant les fournisseurs que les régulateurs.
Dans ce contexte, Florence Schmit, analyste chez Rabobank, avertit dans les colonnes de Bloomberg :
Ces annonces sont de nature à raviver les inquiétudes vers la fin du mois et à l’approche de septembre.
La tension n’est donc pas ponctuelle : elle pourrait s’intensifier à mesure que les épisodes de chaleur s’enchaînent.
Pour EDF, les marges de manœuvre restent étroites. Le modèle de refroidissement de ses centrales — basé sur le prélèvement d’eau dans les fleuves — est de plus en plus vulnérable aux aléas hydriques. La situation interroge donc la durabilité du mix énergétique français, en particulier sa dépendance au nucléaire en période de stress climatique.
Et au niveau européen, les marchés de l’électricité sont scrutés de près, car la hausse des prix pourrait entraîner un effet domino sur les factures des consommateurs et des entreprises. Le risque d’un « choc de l’énergie estivale », comparable à celui de l’hiver 2022, ne peut plus être exclu.
👁️ L’œil de l’expert : prise de conscience nécessaire
Ce nouvel épisode de tension met en lumière l’impérieuse nécessité d’adapter les infrastructures énergétiques au changement climatique. Les centrales actuelles, bien que puissantes, ne sont pas conçues pour résister durablement à des vagues de chaleur à répétition.
Il est donc urgent d’investir dans des technologies de refroidissement alternatives, de renforcer les interconnexions européennes, et d’accélérer la diversification du mix — solaire, éolien, stockage — pour gagner en résilience.
Au-delà de l’été 2025, la France doit s’engager dans une planification énergétique stratégique, capable d’anticiper les pics de consommation induits par le climat et de sécuriser l’approvisionnement, tout en maîtrisant les coûts pour les usagers. Car si 60 €/MWh semble encore contenu, l’escalade pourrait s’accélérer dès que les fondamentaux seront de nouveau mis sous pression.
Le signal est clair : face à la chaleur, c’est toute la politique énergétique qui doit se réinventer.