Alors que la crise du logement s’enlise et que les acteurs du secteur tirent la sonnette d’alarme, la patronne de Nexity, Véronique Bédague, monte au créneau. Si elle salue certaines avancées du budget 2026, notamment la création d’un statut du bailleur privé, elle juge incompréhensible la volonté du gouvernement d’imposer un “prélèvement complémentaire” sur les organismes de logement social. Une mesure jugée “lunaire” par la dirigeante, alors que le marché est déjà exsangue, entre effondrement des ventes et chute dramatique de la production de logements neufs.
💸 Un budget à double tranchant
Dans un contexte où plus de deux millions de Français attendent un logement social, le projet de budget présenté par Sébastien Lecornu soulève l’inquiétude des promoteurs. Véronique Bédague n’a pas mâché ses mots sur Franceinfo, dénonçant “une mesure totalement déconnectée de la réalité économique”.
On ne peut pas prélever davantage un secteur déjà à genoux
a-t-elle fustigé, rappelant que les organismes HLM sont aujourd’hui en grande difficulté financière.
Cette disposition fiscale, qui vise à renforcer les recettes de l’État, risque selon elle de ralentir encore les programmes de construction sociale, déjà fortement fragilisés par la hausse des taux d’intérêt et le coût des matériaux.
À l’inverse, la PDG de Nexity se montre favorable à la création d’un statut du bailleur privé, défendu par Vincent Jeanbrun, ministre du Logement. Ce dispositif offrirait aux propriétaires une défiscalisation partielle de leurs revenus locatifs, inspirée des mécanismes déjà existants pour les investissements locatifs.
Cela rendrait l’investissement immobilier comparable à une obligation d’État en termes de rendement
souligne Véronique Bédague. Un signal positif selon les acteurs du marché, alors que la rentabilité locative moyenne a chuté sous la barre des 3 % nets dans plusieurs grandes villes françaises, rendant le placement immobilier de moins en moins attractif.
📉 Un secteur au bord de la paralysie
Le constat est sans appel : depuis 2019, les ventes de logements neufs ont été divisées par deux, plombées par la remontée des taux et la frilosité des ménages. Nexity, comme ses concurrents, observe une chute vertigineuse de la demande :
Nous vendons aujourd’hui deux fois moins de logements qu’avant la crise
déplore la dirigeante. Les conséquences sont lourdes : la production de logements neufs devrait suivre la même trajectoire dans les trois prochaines années, avec un volume de livraisons divisé par deux d’ici 2028. En parallèle, le parc locatif privé se contracte, aggravant les tensions sur les loyers et l’accès au logement.
Pour les promoteurs, l’équation est simple : sans incitation fiscale forte, ni soutien aux bailleurs sociaux, le marché risque de s’enfoncer durablement dans une spirale déflationniste. La crise actuelle ne se limite plus à un ralentissement conjoncturel, mais s’apparente à une recomposition structurelle du secteur immobilier français.
👁️ L’œil de l’expert
Le coup de gueule de Véronique Bédague illustre un malaise profond : celui d’un secteur pris en étau entre inflation, taux élevés et désengagement public. Le budget 2026, loin d’apporter une réponse globale, juxtapose des mesures aux effets contradictoires.
L’introduction d’un statut du bailleur privé pourrait effectivement réinjecter de la liquidité dans l’investissement locatif, mais le prélèvement sur les HLM vient neutraliser cet élan en affaiblissant la chaîne du logement social.
En 2026, le marché immobilier français évoluera sans doute dans une zone de forte turbulence : crédit restreint, marges sous pression, et des promoteurs contraints d’adapter leurs modèles face à un environnement économique durablement dégradé.
En clair, le logement reste le grand oublié de la relance : un pilier social et économique qu’aucun budget, pour l’instant, ne semble prêt à reconstruire solidement.