Alors que l’inflation globale marque le pas, un autre poste de dépense continue de peser durablement sur le budget des ménages ultramarins : les frais bancaires. À La Réunion, les derniers relevés de l’Iedom confirment une réalité bien installée : malgré un ralentissement du rythme des hausses en 2025, l’écart tarifaire avec la métropole se creuse encore. Derrière des ajustements apparemment modérés se dessinent des enjeux économiques, concurrentiels et territoriaux majeurs, qui interrogent la promesse d’égalité des services financiers sur l’ensemble du territoire français.
📈 Des frais en hausse, un écart qui persiste
Sur un an, entre octobre 2024 et octobre 2025, le coût moyen du panier standard de services bancaires – composé de 14 prestations courantes – a progressé de 2,1 % à La Réunion. Ce panier atteint désormais 192,38 euros par an, contre 179,12 euros en métropole. Résultat : un différentiel de 7,4 %, qui s’installe dans la durée.
Certes, la dynamique est moins brutale que lors de la période précédente, marquée par une flambée de +5,5 % entre avril 2024 et avril 2025. Mais cette modération ne suffit pas à inverser la tendance. Comme le souligne l’Iedom, la progression reste « douce mais continue », accentuant mécaniquement le décrochage avec l’Hexagone.
Derrière cette évolution globale, les stratégies tarifaires des établissements divergent. Plusieurs banques – Bred, BFC, Banque Postale et BNP Paribas Réunion – ont choisi le statu quo tarifaire sur l’année écoulée. D’autres, en revanche, ont procédé à des ajustements ciblés, notamment sur les cartes bancaires, un levier classique de rentabilité récurrente.
Au Crédit Agricole, pourtant le plus compétitif de l’île, la hausse est visible : toutes les cartes augmentent, avec jusqu’à +1,60 euro selon les formules. À la Cepac, la progression est plus limitée mais bien réelle, intégrant également certains frais de virement en agence. Autant de micro-évolutions qui, cumulées, pèsent directement sur le pouvoir d’achat bancaire des ménages.
⚖️ Un problème économique durable
Malgré ces ajustements, la hiérarchie des banques réunionnaises demeure inchangée. Le Crédit Agricole conserve sa place de banque la moins chère, avec un panier annuel de 171,70 euros, devant la BFC et la Banque Postale. À l’autre extrémité du spectre, la Bred reste solidement installée comme l’établissement le plus onéreux, dépassant 218 euros par an.
Entre la banque la plus accessible et la plus chère, l’écart frôle désormais les 50 euros annuels pour un profil de client strictement identique. Un différentiel loin d’être anodin dans un territoire où le revenu médian reste inférieur à celui de la métropole et où les dépenses contraintes sont structurellement plus élevées.
Cette situation ravive le débat récurrent sur les surcoûts ultramarins, souvent justifiés par les banques par des coûts d’exploitation plus élevés, une moindre densité de clientèle ou des contraintes logistiques spécifiques. Des arguments économiques recevables, mais qui peinent à convaincre sur le long terme, tant la digitalisation des services bancaires est censée réduire ces écarts géographiques.
Comme le rappelle implicitement l’Iedom, l’absence d’harmonisation tarifaire nationale laisse les consommateurs réunionnais durablement exposés à une facture bancaire plus lourde que celle de leurs homologues métropolitains.
👁️ L’œil de l’expert : une fracture silencieuse
La situation réunionnaise illustre une fracture économique discrète mais persistante : celle de l’accès équitable aux services financiers. Tant que les frais bancaires resteront structurellement plus élevés outre-mer, les ménages ultramarins supporteront un handicap de compétitivité budgétaire invisible mais réel. À l’heure où la concurrence numérique pourrait théoriquement lisser les écarts, l’enjeu n’est plus seulement tarifaire : il est politique, réglementaire et territorial.

