Le phénomène de l’absentéisme au travail prend des proportions inédites en France, avec un taux record de 5,8% enregistré en 2024 dans le secteur privé, selon le dernier baromètre du cabinet Mercer, relayé par Le Figaro. Face à une dépense publique de 12 milliards d’euros pour les arrêts maladie, le gouvernement envisage désormais de durcir les règles d’indemnisation, notamment en allongeant le délai de carence. Mais au-delà de ces mesures budgétaires, c’est tout un équilibre économique et social qui semble fragilisé.
💶 La facture des arrêts maladie explose
Selon une analyse publiée par Les Échos, Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du Travail, propose de relever le délai de carence des arrêts maladie pris en charge par la Sécurité sociale : de 3 à 7 jours. Une réforme qui transférerait une partie des coûts vers les entreprises ou laisserait certains salariés sans compensation, en l’absence d’accord d’entreprise.
Ce projet s’inscrit dans un contexte où la dépense publique liée aux arrêts maladie a atteint 12 milliards d’euros en 2024, soit un poste de coût majeur pour la Sécurité sociale. Pour l’exécutif, cet allongement du délai de carence permettrait de réaliser des économies substantielles, en freinant la prise d’arrêts courts, particulièrement coûteux.
📈 19 jours d’absence par salarié : un record historique
Derrière ces chiffres, le constat est sans appel : en 2024, chaque salarié du privé a été absent 19 jours en moyenne, un niveau jamais observé auparavant, contre 18 jours l’année précédente. Le taux global atteint 5,8% en 2024, contre 5,3% en 2023, selon Mercer. La féminisation du phénomène est également soulignée : 36% des femmes salariées ont posé au moins un arrêt, contre 28% des hommes, indépendamment des arrêts liés à la maternité.
Les écarts se creusent aussi selon l’âge : le taux d’absentéisme des plus de 55 ans est deux fois supérieur à celui des jeunes salariés, en raison principalement des troubles musculosquelettiques, mais aussi d’une hausse constante des risques psychosociaux depuis la pandémie.
Enfin, les cadres affichent un taux d’absence plus faible, mais leurs arrêts sont en revanche plus longs, ce qui alourdit indirectement la facture des entreprises.
🏭 Services à la personne et centres d’appels en première ligne
L’étude Mercer identifie des disparités sectorielles majeures. Le secteur des services à la personne et celui des centres d’appels atteignent des taux d’absentéisme vertigineux, respectivement 10,7% et près de 10%, soit plus du double de la moyenne nationale. À l’opposé, les métiers du numérique, du conseil et de l’ingénierie affichent des taux bien plus faibles, oscillant entre 3,6% et 4,1%.
Ces écarts reflètent les conditions de travail spécifiques à chaque branche : pénibilité physique, pression psychologique, et intensité émotionnelle exacerbent les absences dans certains secteurs. Le cabinet Mercer de préciser :
Les arrêts de longue durée liés aux troubles musculosquelettiques et aux risques psychosociaux progressent de façon structurelle depuis le Covid-19.
👁️ L’œil de l’expert : impératif budgétaire et risque social
Pour Nathalie Bourdon, économiste spécialiste du travail, « l’explosion de l’absentéisme révèle un malaise profond dans certains secteurs, couplé à une transformation du rapport au travail depuis la crise sanitaire. »
Si le durcissement des règles d’indemnisation pourrait permettre de réduire la facture publique, il risque aussi de pénaliser les salariés les plus fragiles et d’alourdir la charge des entreprises dans des branches déjà fragilisées.
Dans un contexte d’inflation salariale et de tensions sur le recrutement, la gestion de l’absentéisme devient un enjeu stratégique pour les employeurs. Le gouvernement, de son côté, marche sur un fil étroit : économiser, sans accroître le risque social latent.
En résumé : le poids économique de l’absentéisme appelle des réformes, mais aussi des réponses structurelles pour répondre au mal-être au travail, sans quoi les coûts pourraient continuer à grimper durablement.