C’est un chiffre qui donne le vertige : 340 000 euros. C’est le montant que coûte en moyenne à la collectivité un seul jeune décrocheur, selon une étude récente du Boston Consulting Group (BCG) menée pour la Fondation Apprentis d’Auteuil. Alors que 75 000 jeunes de 18 à 24 ans quittent chaque année le système scolaire sans diplôme, cette hémorragie éducative représente une facture sociale et économique colossale, dont les effets s’étendent bien au-delà de l’école.
⚠️ Une addition salée : aides sociales, justice et manque à gagner économique
La déscolarisation précoce ne pèse pas uniquement sur le budget de l’Éducation nationale. Elle entraîne une série de coûts indirects pour l’ensemble de la société. Le poids budgétaire du décrochage s’est considérablement alourdi ces dix dernières années, avec une hausse de 110 000 € par jeune, comme le souligne Olivier Scalabre, directeur général de BCG France. Il précise:
L’inflation explique 80 % de cette progression. Le reste est lié à la précarité accrue des décrocheurs : ils contribuent moins via les cotisations sociales, mais nécessitent davantage d’aides
Parmi les dépenses les plus importantes, le système judiciaire se taille la part du lion. En effet, les jeunes sans diplôme sont surreprésentés dans les milieux carcéraux, et cette réalité pèse lourd : 50 000 € sont directement imputables aux frais de justice par décrocheur, d’après le rapport.
Compétitivité menacée : l’impact silencieux sur l’économie et l’emploi
Le décrochage ne se contente pas de creuser les déficits publics. Il affaiblit aussi la compétitivité de la France. En limitant le vivier de talents disponibles pour les entreprises, ce phénomène freine le recrutement, dégrade la productivité et fragilise la croissance à long terme. Pour Olivier Scalabre, le constat est limpide :
Le manque de qualifications des jeunes sortis du système scolaire nuit directement à la performance économique du pays.
Alors que le pays traverse une transformation profonde du marché du travail, notamment avec l’essor des métiers techniques et numériques, chaque jeune exclu du parcours scolaire représente un potentiel perdu, tant pour lui-même que pour l’économie nationale. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre qualifiée, ces absences coûtent cher, non seulement en termes financiers, mais aussi en opportunités non saisies.
L’œil de l’expert : un défi pour demain
Le décrochage scolaire n’est plus une simple problématique éducative : c’est un défi socio-économique majeur. L’accumulation de ses effets — sur le plan budgétaire, judiciaire, social et économique — impose une réponse systémique. Il ne suffit plus de traiter les symptômes : l’enjeu est d’agir en amont, dès le collège, pour prévenir les ruptures de parcours et renforcer les dispositifs d’accompagnement. Investir aujourd’hui dans la lutte contre le décrochage, c’est économiser demain, tout en redonnant une chance à des milliers de jeunes de construire leur avenir.