Dans un contexte économique fragilisé par des tensions géopolitiques croissantes et une inflation enfin sous contrôle, la Banque centrale européenne (BCE) a décidé de faire une pause stratégique dans sa politique de baisse des taux. Jeudi, l’institution de Francfort a maintenu son taux de dépôt à 2,0 %, rompant ainsi avec une série de huit diminutions consécutives entamées en juin 2024. Mais cette décision s’inscrit dans un climat d’extrême prudence, marqué par l’incertitude commerciale liée aux menaces tarifaires américaines.
📊 Une pause calculée
La BCE a confirmé jeudi sa volonté de ne pas s’engager prématurément sur une trajectoire de politique monétaire, préférant s’en tenir à une approche « data driven« , dictée par les évolutions économiques réelles. Dans un communiqué diffusé à l’issue de sa réunion, elle affirme que « les informations disponibles sont globalement conformes à l’évaluation précédente du Conseil des gouverneurs concernant les perspectives d’inflation ».
Le taux d’inflation, revenu à l’objectif de 2 %, a permis de justifier cette pause. La Banque centrale évoque une baisse progressive des pressions inflationnistes internes, notamment grâce à un ralentissement de la hausse des salaires.
Rappelons que la BCE avait abaissé ses taux pour la dernière fois le 5 juin 2025, de 25 points de base, après les avoir relevés à dix reprises entre juillet 2022 et septembre 2023, portant le taux de dépôt à un sommet historique de 4,0 %, un record depuis l’introduction de l’euro en 1999. Depuis, la prudence est de mise : toute nouvelle inflexion de la politique monétaire est désormais conditionnée à l’évolution des données macroéconomiques.
Pourtant, les marchés financiers anticipent encore une possible baisse des taux d’ici fin 2025, misant sur une croissance modérée et un environnement international instable.
🌐 Les menaces douanières américaines brouillent les prévisions
Le principal facteur d’incertitude à l’horizon reste la politique commerciale des États-Unis, en particulier la menace récurrente du président Donald Trump d’imposer des droits de douane de 30 % sur les produits européens dès le 1er août 2025. Cette annonce a provoqué un véritable casse-tête pour les stratèges de la BCE, dont les projections économiques ne s’étaient pas préparées à un scénario aussi dur.
Selon deux sources diplomatiques relayées par Reuters, des négociations entre Bruxelles et Washington seraient en cours pour aboutir à un compromis tarifaire : une surtaxe de 15 % sur les exportations européennes, alignée sur les termes d’un précédent accord signé entre les États-Unis et le Japon. Un scénario intermédiaire, plus pénalisant que les hypothèses de base de la BCE, mais jugé moins critique que les pires perspectives envisagées en juin.
Christine Lagarde, présidente de la BCE, a d’ores et déjà prévu de s’exprimer pour clarifier la position de l’institution dans ce contexte délicat. L’enjeu est double : ne pas déstabiliser les marchés tout en préservant la crédibilité d’une politique monétaire cohérente avec les menaces extérieures.
👁️ L’œil de l’expert
La décision de la BCE s’inscrit dans une stratégie de temporisation maîtrisée, rendue possible par le retour à la stabilité des prix. Cependant, l’équilibre reste fragile. Si l’inflation semble sous contrôle, les tensions commerciales américaines et la volatilité des marchés mondiaux pourraient à tout moment rebattre les cartes.
Cette pause dans l’assouplissement des taux ne signifie pas un changement de cap, mais plutôt une mise en attente tactique. Le message envoyé aux marchés est clair : la BCE ne veut pas aller plus vite que la musique, surtout dans un contexte où le risque politique devient un moteur majeur de l’instabilité économique.