Bricolage en crise : quand l'immobilier tousse, les perceuses s'arrêtent
Après avoir connu un âge d’or porté par la crise sanitaire, le secteur du bricolage entre dans une phase de turbulences. L’élan exceptionnel provoqué par les confinements successifs – où l’habitat était devenu le centre de toutes les attentions – semble désormais révolu. Les enseignes de bricolage accusent un net repli de leur chiffre d’affaires, sur fond de stagnation du marché immobilier et d’incertitudes économiques multiples. Dans ce contexte, la Fédération des Magasins de Bricolage (FMB) et les industriels regroupés au sein d’Inoha tirent la sonnette d’alarme. Analyse d’un ralentissement structurel, bien au-delà d’un simple trou d’air conjoncturel.
🛠 Un secteur dépendant d’un immobilier en panne
Le principal levier de croissance du bricolage s’est retourné : les ventes de logements anciens, traditionnel moteur de la demande en travaux et rénovation, sont en net recul. Juliette Lauzac, analyste pour la FMB et Inoha, le souligne clairement :
Le facteur explicatif numéro un de la baisse de l’activité l’an dernier est le recul des ventes de logements anciens.
En effet, chaque transaction déclenche généralement une série de projets d’aménagement sur une période de un à trois ans. Moins de biens vendus, c’est donc mécaniquement moins de travaux engagés.
En parallèle, l’attrait des Français pour leur habitat reste fort, mais l’incertitude réglementaire freine l’investissement. Entre les nouvelles exigences de performance énergétique et les restrictions croissantes autour des "passoires thermiques", les ménages hésitent à se lancer dans l’achat locatif ou des rénovations coûteuses. À cela s’ajoute un climat géopolitique et économique anxiogène qui incite à la prudence :
Un attentisme des consommateurs, un manque de visibilité... réduisent l’envie de se projeter
insiste Mme Lauzac.
📉 Un repli global malgré une base solide post-Covid
En valeur, les ventes du secteur ont chuté à 22,1 milliards d’euros en 2024, contre 23,4 milliards en 2022, soit un recul de 4,3 % selon les données dévoilées par la FMB et Inoha. Une perte d’un milliard d’euros qui marque la fin d’un cycle euphorique, amorcé en 2020 avec la pandémie. Pour rappel, le marché du bricolage plafonnait à 20 milliards d’euros en 2019, avant de bondir sous l’effet de la crise sanitaire.
Mais la baisse ne se limite pas aux ventes en magasin. Les signaux numériques confirment également cette tendance : Eric Flusin, en charge de la data chez Inoha, observe un repli de 7,8 % des recherches Google liées au bricolage en 2024. Des requêtes comme « tondeuse », « meuble de salle de bains » ou « poêle à granulés » sont en net recul, tandis que le prix devient la principale préoccupation des internautes.
Le ralentissement ne touche d’ailleurs pas que le bricolage. Le repli concerne aussi les autres piliers de l’équipement de la maison, du mobilier à l’électroménager, traduisant un essoufflement global du secteur de l’amélioration de l’habitat.
👁 L'œil de l'expert : redémarrage possible, sous conditions
Malgré un début d’année 2025 dans la continuité de 2024, les professionnels veulent croire à un frémissement. « On espère tout de même de meilleurs chiffres pour 2025 », déclare Juliette Lauzac, qui note quelques signaux encourageants, notamment une reprise progressive des ventes dans l’ancien et une relation des Français à leur habitat qui reste forte.
Néanmoins, la relance du marché du bricolage dépendra largement de la stabilité réglementaire, d’un assouplissement du crédit immobilier et d’une relance effective de l’investissement dans l’ancien. Le secteur doit également repenser ses leviers de croissance, en intégrant des offres plus accessibles, plus durables et centrées sur l’autonomie des consommateurs face à des arbitrages budgétaires de plus en plus serrés.
À propos de l'auteur
Des années d’expérience et d’expertises financières, Fabien MONVOISIN est PDG du Groupe Win’Up composé de 4 enseignes spécialisées dans le regroupement de crédits, son ambition aujourd’hui est de décrypter l’actualité économique et financière dans l’objectif d’éclairer tous les Français