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Photo de François Bayrou, répondant aux questions de l'Assemblée Nationale
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Arrêts maladie : la très grande dérive constatée depuis 2019, en France

Alors que la France cherche à combler un déficit public abyssal, le gouvernement recentre son attention sur un poste de dépense en forte inflation : les arrêts maladie. Le 15 avril, à l’occasion d’une conférence stratégique sur les finances publiques, l’exécutif a mis en lumière ce que la ministre Amélie de Montchalin appelle une « très grande dérive » du système. Avec plus de 17 milliards d’euros engagés en 2023 rien que pour les arrêts maladie, dont 10,2 milliards en indemnités journalières, ce levier de protection sociale est aujourd’hui perçu comme un risque budgétaire majeur. Analyse d’un phénomène qui questionne la soutenabilité de notre modèle.

📈 Une dynamique budgétaire devenue incontrôlable

Depuis 2019, les dépenses liées aux arrêts de travail ne cessent de s’emballer. Selon Amélie de Montchalin, ministre déléguée aux Comptes publics, la trajectoire actuelle n’est plus tenable. En 2023, l’Assurance maladie a déboursé près de 17 milliards d’euros, un niveau record qui met en péril les objectifs de redressement budgétaire du pays.

Cette envolée s'explique par une combinaison de facteurs : d’abord la progression constante du taux de recours, notamment parmi les jeunes actifs, mais aussi le vieillissement démographique, qui accroît mécaniquement la fréquence des arrêts prolongés. D’après une étude du cabinet BSI publiée le 10 avril, la France détient le record du taux d’arrêts maladie longs parmi huit pays analysés : 15 % d’entre eux durent plus d’un mois, un chiffre qui surpasse largement celui observé en Allemagne ou au Royaume-Uni.

François Bayrou, Premier ministre, n’a pas mâché ses mots :

La dette française est un piège dangereux, potentiellement irréversible.

Cette pression budgétaire devient critique, alors que l'État cherche à identifier 40 milliards d’euros d’économies d’ici 2026. Dans ce contexte, les arrêts maladie apparaissent comme une cible naturelle pour les arbitrages à venir.

🔢 Moins de travail, plus de charges : une équation intenable

Mais derrière la dérive des arrêts maladie se cache une réalité plus structurelle : la baisse de l’activité effective. Pour Astrid Panosyan-Bouvet, ministre déléguée à l’Emploi, « parmi ceux en âge de travailler, beaucoup moins travaillent ». En clair, la France souffre d’un déficit d’heures travaillées par rapport à ses homologues européens et nord-américains.

Elle avance des chiffres évocateurs : chaque actif français travaillerait entre 2 et 3 heures de moins par semaine qu’un Allemand ou un Britannique, et 350 heures de moins par an qu’un Américain. Une différence qui s’expliquerait en partie par un usage plus généreux des congés et des arrêts de travail. Cette moindre contribution à l’effort collectif affaiblit non seulement les recettes fiscales (moins de cotisations sociales), mais renforce également la pression sur les mécanismes de protection.

Le gouvernement entend ainsi amorcer un débat de fond sur le niveau de responsabilisation des salariés. Si la France est reconnue pour son efficacité en matière de protection sociale, cette dernière doit, selon les mots de Panosyan-Bouvet, trouver un « équilibre entre performance économique et performance sociale ». Il ne s’agit pas de saborder un acquis social, mais d’en garantir la viabilité à long terme.

👁 L'œil de l'expert

La montée en flèche des dépenses liées aux arrêts maladie révèle un déséquilibre systémique qui menace la soutenabilité budgétaire de notre modèle social. Entre vieillissement de la population, baisse de l'activité effective et augmentation des recours, le système atteint ses limites. Les annonces concrètes sont attendues avant le 14 juillet, selon François Bayrou. Une chose est sûre : les arbitrages à venir devront conjuguer rigueur budgétaire et cohésion sociale.

À propos de l'auteur

Des années d’expérience et d’expertises financières, Fabien MONVOISIN est PDG du Groupe Win’Up composé de 4 enseignes spécialisées dans le regroupement de crédits, son ambition aujourd’hui est de décrypter l’actualité économique et financière dans l’objectif d’éclairer tous les Français