Derrière les paillettes, le casse-tête économique. Alors que les Fêtes de Bayonne 2025 s’ouvrent ce 9 juillet, l’ambiance festive masque mal les tensions économiques qui couvent. En modifiant pour la seconde année consécutive le calendrier traditionnel des festivités, la mairie assume un virage stratégique. Mais derrière les discours sur le « retour à l’esprit des fêtes », les retombées financières divisent fortement les acteurs économiques locaux. Entre baisses de fréquentation, dépenses de sécurité en flèche et commerçants désorientés, la fête a un goût amer pour une partie du tissu économique bayonnais.
Moins de visiteurs, plus de dépenses : l’équation budgétaire s’alourdit
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2024, la fréquentation a chuté de 15 %, passant de 1,3 million à 1,1 million de visiteurs. Une baisse loin d’être anodine pour un événement pesant plusieurs millions d’euros dans l’économie locale. La mairie, pourtant, se montre confiante et précise au Figaro :
Commencer les fêtes au début des vacances scolaires réduit mécaniquement le nombre de visiteurs extérieurs à la région
affirme le maire Jean-René Etchegaray, tout en estimant que cela limite les débordements liés à une méconnaissance du fameux « code des fêtes« .
Mais cette baisse de fréquentation n’a pas fait baisser les coûts. Bien au contraire. Le budget sécurité a explosé à 1,9 million d’euros, soit près de la moitié du budget total (4 millions). Un déploiement sécuritaire massif : plus de 600 agents privés et quatre compagnies de CRS – environ 750 policiers – mobilisés et financés intégralement par la ville. Une stratégie préventive, certes, mais onéreuse. La sécurité, aujourd’hui, pèse lourd dans la balance économique des fêtes.
Des professionnels divisés, des pertes financières concrètes
Dans les coulisses des bodegas et terrasses, la grogne monte. Si certains restaurateurs saluent le retour d’un climat plus convivial, d’autres pointent une perte nette de chiffre d’affaires. Hugo Hersant, gérant des Tontons Flingueurs, nuance :
On a servi moins de couverts, c’est vrai, mais on a profité d’un retour des locaux en ouverture, dans une ambiance à l’ancienne
Pour lui, la fête reste un levier de lancement de saison, qu’elle ait lieu début ou fin juillet.
Mais ailleurs, la pilule ne passe pas. Rue du Port-Neuf, un gérant témoigne sous couvert d’anonymat : « Ce changement de dates, c’est 20 % de chiffre d’affaires en moins. Et à cela s’ajoutent des charges supplémentaires comme les droits de terrasse ou la taxe par place assise. » Un double effet kiss-cool financier, difficile à absorber pour les plus petites structures.
Les forains, quant à eux, expriment leur colère haut et fort. Ils ont manifesté dès octobre 2024 pour réclamer un retour aux dates traditionnelles, accusant la municipalité de sacrifier leur rentabilité sur l’autel d’une image apaisée. Même des fidèles comme Jean-Michel, boucher bayonnais, regrettent le chevauchement avec les fêtes de Pampelune : « Je fais Pampelune, puis Bayonne. Mais ce n’est pas idéal ». Un compromis forcé pour ceux qui vivent au rythme de ces grands rendez-vous festifs.
L’œil de l’expert : un modèle à repenser
La volonté municipale de contenir les excès en misant sur un public plus local et une fréquentation réduite pose une question centrale : quel modèle économique pour les fêtes de Bayonne demain ? Si l’intention de maîtriser les flux est légitime, elle ne peut s’affranchir des réalités économiques de milliers de professionnels qui dépendent de cette manne annuelle.
L’édition 2026 pourrait marquer un tournant stratégique : un report au 15 juillet est envisagé, tentative d’équilibrer entre traditions régionales (éviter le chevauchement avec Pampelune ou Mont-de-Marsan) et logique de rendement économique. Dans un contexte de tension budgétaire pour les collectivités, chaque choix d’agenda devient un acte politique… et financier.