Le 2024-__juin__-28, Marseille accueillera pour la première fois la finale du Top 14, brisant la tradition parisienne pour faire vibrer l’Orange Vélodrome au rythme du rugby tricolore. Au-delà de la ferveur sportive, cette délocalisation révèle un autre enjeu : celui de l’économie du sport et de la valeur symbolique d’un objet mythique – le Bouclier de Brennus. Ce trophée, vieux de 132 ans, n’est pas qu’une simple récompense : il est le reflet d’un écosystème économique, culturel et patrimonial unique en France.
️ Un trophée mythique au centre d’un évènement à fort impact économique
Depuis sa création en 1892, le Bouclier de Brennus est le symbole absolu de la suprématie rugbystique en France. Mais c’est aussi un acteur silencieux d’une économie florissante autour du rugby professionnel. Avec une finale déplacée à Marseille, les projecteurs se braquent sur une ville qui s’apprête à accueillir des dizaines de milliers de supporters venus de tout l’Hexagone, et même d’au-delà.
Selon Emmanuel Eschalier, directeur général de la Ligue nationale de rugby (LNR):
les trois quarts des billets ont été achetés par des personnes extérieures à la région Provence-Alpes-Côte d’Azur
Ce flux massif de visiteurs laisse entrevoir des retombées économiques majeures pour la cité phocéenne, comparable à celles enregistrées en 2023 à San Sebastian, qui avait alors engrangé 22 millions d’euros lors des demi-finales du Top 14.
L’enjeu économique ne se limite pas à la billetterie. Hôtels, restaurants, transports, commerces : tout l’écosystème touristique local bénéficie d’un tel événement. L’Orange Vélodrome, avec ses 68 000 places, sera à guichets fermés. Certes, ce chiffre est inférieur aux 80 000 sièges du Stade de France, mais selon Eschalier, « le résultat net sera quasiment similaire » grâce à la ferveur et à l’engouement du public. Preuve que la passion peut compenser les écarts de capacité, à condition que l’attractivité soit au rendez-vous.
️ Le Bouclier de Brennus : entre patrimoine inestimable et objet convoité
Derrière cette finale à fort enjeu, c’est une relique du sport français qui va de nouveau être brandie : le Bouclier de Brennus. Conçu par Charles Brennus, graveur et fondateur du Stade Français, ce trophée en chêne massif orné d’un médaillon en bronze est remis chaque année au champion de France. Il est le plus ancien trophée collectif du sport français encore en circulation.
Sa valeur financière reste modeste – quelques milliers d’euros selon les experts – mais sa valeur patrimoniale est inestimable. Il est le témoin de plus d’un siècle d’histoire, gravé des noms de tous les clubs sacrés depuis 1892. Véritable monument de l’ovalie, il est souvent qualifié de « Saint Graal » du rugby hexagonal.
C’est bien plus qu’un trophée, c’est une légende.
explique Pierre Camou, ancien président de la Fédération française de rugby. Ce caractère sacré n’a pourtant pas empêché certaines escapades festives : entre bains de foule, chutes accidentelles et dégradations lors des célébrations (Toulon, Castres, Toulouse…), le Bouclier a été plusieurs fois abîmé puis restauré, au point qu’une copie de secours est parfois utilisée en coulisses pour éviter de nouveaux dommages. Et pourtant, chaque année, les joueurs se battent pour pouvoir le soulever, le porter sur leurs épaules, ou même dormir à ses côtés comme le veut la tradition.
️ L’œil de l’expert : quand sport, culture et économie se rejoignent
Ce que révèle cette finale à Marseille, c’est la capacité du rugby à irriguer économiquement un territoire, bien au-delà des frontières sportives. Le Bouclier de Brennus, objet de désir autant que de mémoire, devient un vecteur de cohésion, de fierté collective et d’attractivité économique.
Dans un contexte où les grandes villes rivalisent pour accueillir des évènements sportifs majeurs, la LNR montre qu’une stratégie de décentralisation maîtrisée peut conjuguer spectacle, rentabilité et ancrage local. Marseille en sera le laboratoire grandeur nature, sous le regard bienveillant du vieux trophée de bronze.
